L'écrivain, personnalité illustre, connu comme auteur dans le registre économique à travers une quinzaine de livres se rapportant au monde de la finance, s'est lancé dans le romanesque pour la cinquième fois. Dès les premières phrases du roman, pas de préambule, on entre dans le vif du sujet. Ahmed voue à Lamia son unique enfant, un amour indéfectible depuis la mort de sa femme Amina. La tendresse réciproque ajoutée à une complicité de vieux copains et c'est ainsi que fonctionne la maison sans la présence de la mère. Lui, haut responsable dans un ministère, elle, étudiante en droit et leur quotidien est émaillé de petits riens et grandes joies. Puis l'harmonie de ce couple père-fille est subitement ébranlée quand Lamia annonce son désir de se marier. Patatras ! La boule de cristal qui les protégeait connaît sa première brisure. Ahmed de met à penser «à la fuite» de tendresse de son unique enfant. Le roman tourne autour de l'éventuel départ, la solitude «A son âge connaître la solitude c'est pire que la mort» Il y a le partage de Lamia avec un autre homme «Amina l'avait quitté pour l'Au-delà et Lamia allait le quitter pour une autre vie» Un histoire humaine, des sentiments de tous les jours qui pourraient être les nôtres et cette angoisse de l'après Lamia. Tout ceci en toile de fond. Car de l'autre de côté du miroir, ce sont les vicissitudes que connaît Alger assaillie par tous les maux engendrés par la trop grande concentration humaine. Les malades mentaux errants et agressifs, la saleté à chaque coin de rue «De tels spectacles n'étaient pas dignes d'un pays civilisé… quand les malades mentaux se promènent librement, cela signifie que la société ne s'est pas encore humanisée et que le progrès matériel ne peut pas tout expliquer.» Il confiera également à son beau-frère : « …le comportement des gens dans la rue, dans leurs immeubles, dans leurs quartiers, dans les stades… sur les routes, ce n'est pas seulement de l'incivisme mais de la haine sociale». Entre son désarroi dû à la séparation d'avec sa fille, Ahmed est confronté à un autre désarroi, celui de voir son pays glisser dans des travers sociaux engendrés par le manque de civisme et un comportement désolant : «son pressentiment est que de telles sociétés débridées, finissent par dériver et disparaître dans le gouffre de l'histoire»Au fil des jours, il acceptera le mariage de sa fille et l'accomplissement du destin. Entres ses questionnements quant à se préparer psychologiquement à re-vivre seul , le devenir du pays le suit à la trace. la disparition graduelle du travail de la terre, l'après pétrole, une jeunesse non formée à l'effort dans le travail, les défis et les enjeux du XXIe siècle «Les périls de demain», autant de «questions récurrentes qui viennent tarauder son esprit» lui dont la patrie «est sacrée» comme l'est une mère. Après moult appréhensions, le mariage de Lamia avec cet inconnu qui deviendra le père de ses petits-enfants, se réalisera enfin, non sans avec les encouragements de la secrétaire et amie de la famille et de la tante paternelle. Bref, tout est bien qui finit bien. Il reste pour cet homme proche de la retraite, vieillissant pour qui «le miroir de la vie» ne sera nullement complaisant, à s'attrister, à s'inquiéter même sur l'avenir de la société, une population gagnée par la gangrène de l'individualisme : «Il aimait profondément son pays», une phrase courante, ordinaire, cependant qui en dit long sur le sentiment de ne pouvoir exister sans son pays et de la nécessité d'un langage commun à tous les Algériens, celui de forger dans les esprits , l'intérêt national. Salah Mouhoubi, membre du Conseil national économique et social est auteur entre autres de : «Le NEPAD une chance pour l'Afrique ?», «Du désordre à l'ordre», «Un monde à reconstruire», «La crise financière mondiale», et les romans «La face cachée L'Ahaggar», «L'honnête homme» et «Destins éclatés».