Conakry a-t-elle renoué avec les vieux démons des rivalités ethniques et de l'instabilité qui ont marqué la vie politique ces dernières années ? La capitale, qui vit sous haute tension, retient son souffle et s'inquiète de la résurgence du climat de violence. Sept mois après l'investiture du président élu, Alpha Condé, la tentative d'«assassinat» dont il a fait l'objet indique que tout reste à faire dans un pays qui vit mal la transition démocratique. L'attaque, fermement condamnée par l'opposition guinéenne et la communauté internationale, n'a pas manqué de surprendre à l'orée de la première présidentielle libre dans l'histoire de la Guinée histoire. Elle représente aussi le risque de voir à nouveau la violence exploser en Guinée, hantée par le péril des antagonismes ethniques incrustés dans tous les secteurs de la société, partis politiques et forces armées compris. L'appel au «calme» et à la «vigilance» d'Alpha Condé se veut rassurant. Il a été relayé par le Premier ministre Mohamed Saïd Fofana, convoquant en toute urgence les responsables des plus hautes instances de l'Etat et de l'armée pour leur demander à œuvrer «pour éviter des dérives incontrôlables». Le malaise est toutefois présent. Les observateurs ont été unanimes à relever que l'attaque est survenue au moment où le principal opposant, Cellou Dalein Diallo, prévoit de rentrer au bercail après de longs mois de tournée à l'étranger. Dans la vague de trente-sept arrêtés dans les rangs militaires, la présence des proches de l'ex-président du régime de transition (2010), le général Sékouba Konaté, et de l'ex-chef de la junte militaire, Moussa Dadis Camara (fin 2008 à fin 2009) a alimenté la thèse de la déstabilisation. C'est le cas du général Nouhou Thiam, l'ex-chef d'état-major des forces armées (avril-décembre 2010), entretenant des relations tendues avec le directeur de cabinet du ministère de la Défense, le général Aboubakr Sidiki Camara dit Idi Amin qu'il avait limogé en décembre 2010, pour «insubordination et insolence». La main des partisans de Moussa Dadis Camara, réclamant son retour et mécontent de l'arrestation du colonel Moussa Keïta, un de ses adeptes, a été exhibée. Aucune piste ne peut être négligée dans la poudrière guinéenne. Tout en accusant l'opposition de velléités de déstabilisation, le pouvoir menace de recourir à la manière forte et décide de procéder au recensement avant les législatives prévues en novembre prochain. Cette option a été catégoriquement rejetée par l'opposition, jugeant aberrant la mise en place d'un nouveau fichier dès lors que le dernier recensement date de 2009 et a permis l'élection de Condé. Le balbutiement de l'expérience guinéenne impose de privilégier la voie du dialogue pour réussir la transition démocratique. Le leader de l'Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré, a estimé que «notre souhait, c'est que le dialogue s'ouvre et qu'il y ait une décrispation afin qu'on puisse aller rapidement aux élections législatives pour donner la possibilité à une assemblée nationale d'animer le débat politique dans le pays». La confrontation d'idées et de programme remplacera-t-il le langage des armes ?