La scène sociale est agitée depuis quelques mois par de nombreux conflits sociaux. La santé, les transports, les banques, l'éducation, presque aucun secteur n'est épargné par ce vent de fronde. La principale revendication des uns et des autres est la revalorisation des salaires. C'est un indice qui semble traduire une nette amélioration du contexte socio-économique. Les travailleurs n'en sont plus à se contenter de réclamer des salaires impayés ou à vouloir conserver coûte que coûte un poste de travail. Il est vrai que le renchérissement de la vie et les nouveaux besoins des familles algériennes ne suffisent plus à assurer pour la majorité un niveau de vie décent. Peu d'économistes ou de sociologues nient cette évidence. Les plus cyniques estiment même que si le compte des salaires se fait en dinar, les prix se déclinent dans l'équivalent en euros. «Il faut des économies de toute une vie pour espérer acquérir un logement ou même une voiture», nous fait remarquer le sociologue Nacer Djabi. «Le SNMG algérien demeure, selon Mustapha Mékidèche, économiste et vice-président du CNES, faible comparativement aux pays voisins, en l'occurrence la Tunisie et le Maroc». Même son de cloche chez l'économiste Salah Mouhoubi. «Il faut savoir qu'il s'agit d'augmentations faramineuses, du jamais vu dans les autres pays du monde», note-t-il. Mais la hausse des salaires, fait-il savoir, doit être indexée sur le taux de l'inflation et le niveau de la productivité. L'équilibre entre ces deux facteurs est nécessaire. «Or, la hausse des salaires, telle qu'annoncée, est plus basée sur le taux d'inflation que sur le niveau de la productivité», explique-t-il. UN SALAIRE EN FONCTION DU COÛT DE LA VIE L'autre évidence partagée par les économistes est que l'augmentation des salaires sans une contrepartie en termes de production alimente l'inflation. L'appréhension avait été formulée déjà par le premier ministre, M. Ouyahia qui avait mis en garde contre une telle situation qui met en péril l'avenir et la pérennité de l'entreprise algérienne, qu'elle soit publique ou privée. Beaucoup de gestionnaires notamment publics, l'ardeur syndicale étant moins agressive sinon inexistante dans le privé, redoutent aussi l'effet boule de neige que toute augmentation partielle risque de provoquer. Le Directeur général d'Air Algérie résume bien l'équation dans une interview accordée, hier, à l'APS. «Le plus important pour moi, a-t-il affirmé, c'est de maintenir l'équilibre financier de l'entreprise. Je ne peux pas donner à une catégorie déterminée une augmentation salariale supérieure à celle d'une autre catégorie de travailleurs». Beaucoup d'analystes ne se contentent pas de mettre en garde contre les dégâts collatéraux de hausses inconsidérées de salaires. Ils mettent également en avant la nécessité pour le pays de promouvoir une politique des salaires et de plans de carrière. La justice doit supplanter la chance. Elle doit tenter de corriger les écarts, source de rancœur et de démobilisation. L'installation, ces dernières années, de sociétés étrangères qui ne subissent pas les contraintes des entreprises nationales, a aggravé les choses et provoqué le départ de nombreux cadres algériens en quête de salaires plus alléchants et d'autres avantages. «Le salaire doit être aussi fixé en fonction du coût de la vie», dit à juste titre M. Medjiténe, professeur à l'institut des sciences économiques de l'université d'Alger. Il met aussi en avant le lien entre le niveau des salaires et le taux de croissance «car sans un effort sur le premier, il est vain d'attendre une amélioration du second», selon lui.