D'abord, ceci : un président sortant mal dans sa peau, souffrant d'un grave discrédit et coupable de corruption généralisée. La désaffection des populations afghanes a largement profité au retour et à l'enracinement des talibans dans les trois quarts du pays pour imposer la loi du plus fort. Le désaveu cinglant du premier tour, disqualifié par le poids massif des fraudes, a davantage affaibli l'homme lige de la coalition en quête de « gouvernement crédible » et soucieuse des retombées néfastes de la panne électorale sur l'esquisse d'une nouvelle stratégie de lutte contre le terrorisme international de plus en plus menaçant. Le désarroi de Karzaï se meut, à la veille du second tour, en opération de relégitimation qui tente de faire endosser l'échec du 20-août aux puissances tutélaires. Dans une interview avec la chaîne américaine CNN, Karazaï a sortie la grosse artillerie en rendant un «grand nombre» de personnalités responsable de pressions pour l'amener à se soumettre aux résultats de la commission indépendante l'IEC. Parmi ceux-la, il a cité le Premier ministre britannique, Gordon Brown, le président turc, Abdallah Gûl, et pakistanais, Asif Ali Zerdari. En aucun moment, il n'a mentionné le forcing américain et l'effort de médiation française véhiculant une offre de compromis. Venons-en, ensuite, au remake du premier tour : la bataille est sans appel. Sur les ondes, les deux rivaux se réclament, pour le président sortant, du « sérieux de l'élection avec un résultat qu'il frauda respecter et accepter. Pour son redoutable challenger, l'issue de la partie est tributaire de la crédibilité du partenaire afghan. « Toute la stratégie américaine en Afghanistan dépend de la crédibilité de votre partenaire en Afghanistan. Personne n'en doute : le partenariat n'a pas bien fonctionné ces dernières années à cause de l'échec de l'administration afghane. Sans ce partenaire légitime, je ne vois pas comment l'actuelle stratégie peut marcher», dit-il, tout en reniant la commission électorale, l'IEC. En épilogue : beaucoup d'incertitudes autour d'un second tour poussif et en campagne molle. Aucun meeting n'est prévu avant la moitié de la semaine prochaine qui coïncide avec la date du scrutin du 9 novembre. Bien que l'Union européenne s'accroche désespérément à une hypothétique sortie de crise par voie de compromis, les spécialistes affichent un scepticisme qui doit tout à la dérive sécuritaire et aux conditions de déroulement du scrutin dépourvues du climat de confiance et de sécurité minimale, des garanties de régularité et de mobilisation populaire. La menace des talibans continue de hanter un pays à la dérive, en proie à la violence, aux divisions tribales aiguisées et au chaos ambiant. Le scrutin du premier tour, aux allures de mascarade à ciel ouvert, et de son second non moins ahurissant atteste de l'échec intégral de la coalition euro-atlantique et de son modèle de démocratisation au bout des drones. Par delà l'incontestable hégémonie aérienne, les temps sont assurément durs pour les nouveaux conquistadors.