La mission du patronat français représenté par le mouvement des entreprises de France Medef a débuté hier ses entretiens d'affaires avec les homologues algériens. Ceux-ci donneront lieu à «une feuille de route» de relance des investissements dont le portefeuille est évalué à «5 milliards de dollars pour les prochaines années», selon le responsable du Medef, François Perigot. Ce dernier a parlé de «compréhension» et de «confiance» entre les deux pays qu'il faut «ranimer». Les Français sont venus, dit-il, pour «connaître», «comprendre» ce qui se passe en Algérie, allusion aux nouveaux textes prévus par la loi de finances complémentaire sur les investissements directs et «coopérer», ajoute-t-il. Les opérateurs français appellent cependant les pouvoirs publics algériens à «ne pas remettre en cause ce qui a été fait maintenant». Ils mettent en avant le niveau d'investissement en Algérie et leur participation «à la production, à l'emploi et au transfert de technologie». Pour étayer leurs arguments, ils citent les 600 millions d'investissements directs, les 420 filiales créées en Algérie avec au bout 35.000 emplois directs et 100.000 indirects. C'est le second investisseur étranger en Algérie mais «c'est peu par rapport aux 11 milliards de dollars d'échanges entre les deux pays», estime pour sa part le président du Forum des chefs d'entreprises, Réda Hamiani. Il est clair que les dispositions de la loi de finances complémentaire pour 2009 ont effarouché les investisseurs étrangers. Alors, les opérateurs français veulent des «arrangements» d'autant plus que les textes d'application de cette même loi n'ont pas encore été promulgués. La firme française Total a, à elle seule, le plus gros investissement dans le domaine de la pétrochimie avec Sonatrach. Ce contrat qui porte sur 20 ans avec l'extraction de l'éthane est «un projet structurant» auquel tient beaucoup cette multinationale. Le contrat remporté en 2007 va être signé «dans un mois», après la «fin des négociations commerciales» surtout celles portant sur le volet achat des licences, selon Francis Rats. Total qui est déjà présent depuis les premières découvertes de pétrole en Algérie est partenaire dans le projet Medgaz avec 20 % de parts en sus des autres activités tels la pétrochimie, les engrais. Il a l'ambition de se positionner en «partenaire durable» dans l'aval gazier en Algérie, rassure M. Rats. Un autre partenariat sera conclu entre la société publique d'assurance la SAA et la Macif pour la création d'une filiale sur l'assurance de personnes qui est au «stade de l'étude notariale», selon M. Latrous PDG de la SAA. Des témoignages intéressants de réussite de joint- venture ou d'investissement direct en Algérie ont été évoqués, que ce soit dans le domaine de l'Energie avec Total et Pétrochemical, des finances avec BNP Paribas, la production du médicament avec la société Soprophal, MDI pour la formation, Saint Gobain et Alsthom pour les infrastructures. LE FINANCEMENT EN DINARS POSE «UN PROBLÈME DE RISQUE DE CHANGE» Les Français ont toutefois résumé leurs «inquiétudes». Ils disent que la loi de finances complémentaire pour 2009 risque «d'impacter significativement la rentabilité de leurs projets» en Algérie. Les critiques portent sur la position majoritaire à 51% dans les joint-ventures au profit de l'Algérie, le financement en dinars qui pose «un problème de risque de change» et enfin l'obligation de réinvestir les exonérations. Ces dernières sont «d'un montant énorme et leur réinvestissement ne peut être accepté par les entreprises», explique le patron de Total. Le débat ne sortira pas de ce cadre. Des «arrangements» sont attendus. Déjà la SAA a convaincu son partenaire La Macif que les 49% ne font pas de lui un actionnaire minoritaire, il aura «à titre individuel» la majorité face à des 51 % répartis entre plusieurs opérateurs. Deux banquiers sont déjà intégrés dans la joint-venture et un troisième sera trouvé prochainement. En réalité, le schéma qui n'est pas encore mis en place suggère un dispatching de ces parts aux PME privées qui «n'ont pas encore les ressources financières». L'investisseur ne sera pas face à «une suprématie de l'Etat» dans son projet. LE MEDEF NÉGLIGE DES SECTEURS IMPORTANTS POUR L'ALGÉRIE Aujourd'hui, en principe, la délégation du FCE et du Medef qui donneront une conférence de presse devront clarifier les résultats de leurs consultations. Les Français, qui ont certes montré une disponibilité à investir davantage, ont quelque peu négligé des secteurs, au niveau de la représentation qui s'est déplacée à Alger; des secteurs que l'Algérie veut développer comme le médicament, l'équipement automobile. Des chefs d'entreprises algériens ont regretté cette absence alors que la SNVI se dit intéressé déjà par la sous-traitance comme le rappelle M. Chehboub son PDG. Il faut savoir que certains projets comme la production du médicament permettent de préserver des parts de marché. «Le marché du médicament est en régression. La part des Français est passée de 75% en 1998 à 50% environ», note M. Zyad de Soprophal qui veut sensibiliser les Français sur plus d'investissements. Ils ont dit ... - Réda Hamiani, président du Forum des chefs d'entreprise (FCE) : Investir à l'étranger est «assimilé à un transfert de capitaux» La création de succursales à l'étranger bute sur un problème de texte. Il faut l'aval de la Banque d'Algérie qui n'a distribué qu' «une autorisation sur 20 ans», a expliqué M. Hamiani Pourquoi ? Tout simplement parce que cela est «assimilé à un transfert de capitaux». La réglementation algérienne est restrictive, elle ne «reconnaît pas de convertibilité totale du dinar», ajoute-t-il. En fait, la seule autorisation, la Banque d'Algérie l'a donnée à un industriel qui a opté pour l'Afrique. - Louis Bedoucha, responsable du groupe de la Banque mondiale : «L'Algérie est en droit de prendre des mesures de restriction à ses importations» Le représentant de la Société financière internationale, la SFI et de l'agence multilatérale de garantie des investissements MIGA de la Banque mondiale a estimé que «l'Algérie est en droit de prendre des mesures de restriction de ses importations» qui aujourd'hui couvrent «le 1/3 de ses réserves de changes». «Elle n'est pas le seul pays à le faire», dit-il, rappelant l'exemple d'autres pays comme l'Afrique du Sud. Sur un autre plan, le groupe de la Banque mondiale «peut apporter ses garanties» aux investisseurs étrangers, rassure-t-il sans donner de détail.