Deux chercheurs, universitaires, le Pr Nacer Djabi, sociologue, et le Pr Walid Aggoun, juriste, ont animé hier au Centre d'études stratégiques d'Echaab un débat sur la question électorale sous l'angle sociologique et juridique. Un débat d'actualité à quelques jours de l'organisation du prochain scrutin présidentiel, le 9 avril prochain. Pour le Pr Djabi, le chercheur qui s'intéresse au sujet se trouve confronté à un problème de taille, «la disponibilité des données sur le phénomène électoral en Algérie», celles qui existent sont «sommaires» se basant juste sur les PV de dépouillement. De plus, «la jeunesse de l'expérience algérienne» à travers les quatre élections pluralistes n'autorise pas une lecture objective de la tendance qui se dessine et d'asseoir «une réflexion valable». Pour le conférencier, en l'absence de ce genre d'études, «on ne connaît pas encore d'une manière exacte la tendance électorale de l'Algérien» et notamment ses mutations «déterminées en principe par l'évolution politique en cours». Le sociologue parle d'un «travail qui reste à faire», deux sondages, seulement sur les élections ont pu être menés jusque-là. Mais que peut-on tirer d'enseignements utiles ? Nacer Djabi, qui est chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) relève que des recherches universitaires sont aujourd'hui menées dans le cadre des thèses de post-graduation sur le phénomène électoral, local il est vrai. Une étude consacrée aux mutations observées pendant les années 90 avec les élections locales s'ajoute aux réflexions américaine et européenne publiées dans les Cahiers de l'Orient. «L'idéal serait que l'on sache plus sur la compétition électorale, la bataille des idées, la nature des programmes», précise le Pr Djabi. LA CRISE DE LA REPRÉSENTATION POLITIQUE Livrant quelques points de vue d'ordre sociologique, le conférencier note que «le rôle du citoyen (dans le système électoral) est lié «au poids et à la place du parti dans la société», sa «capacité à mobiliser, à répondre à ses attentes» ce qui explique, on s'en doute, le phénomène de l'abstention. Le chercheur a beaucoup de travail devant lui tels «le comportement face à l'urne», «le niveau de participation dans les grandes villes» par rapport aux zones rurales où «l'on a tendance à aller voter plus massivement», note l'auteur plus particulièrement «dans les zones frontalières»…. Aujourd'hui, les villes ont tendance à se «confiner dans l'opposition», ce qui explique le «fort taux d'abstention enregistré lors des élections passées» et cette situation «date de 1962 quand la représentation urbaine était marginale», dit-il et «n'est pas propre à l'Algérie». Le système semble «ne pas suivre les mutations sociologiques» et «c'est très dangereux» quand on sait qu'une ville comme Sétif vaut, au plan arithmétique, «dix wilayas du Sud», ajoute le sociologue. Autre anachronisme : le même système reste bâti sur certaines corporations (les enseignants et les fonctionnaires) laissant peu de place «aux professions libérales et hommes d'affaires» sur lesquels selon lui doit «se remodeler le dispositif» pour laisser émerger la classe moyenne qui est capable de «revitaliser le système électoral», conclut-il Le Dr Walid Aggoun a, de son côté, estimé que la problématique électorale «ne pose pas de problème». L'élection est «une opération technique» réglée par tout un arsenal juridique, au plan du contrôle, de la transparence etc. Ce n'est pas le cas de «la représentation politique», selon ce juriste qui note que «ses symboles traditionnels» sont aujourd'hui en crise.