C'est la confusion à Abuja où le Sénat veut pousser le président Umaru Yar'Adua à passer le flambeau à Goodluck Jonathan. La bataille entre l'Exécutif et le Législatif pourrait tourner rapidement en un bras de fer dangereux qui se relève à peine des affrontements sanglants de Jos et des sabotages dans le Sud. L'Armée dénonce les «tentatives visant à l'entraîner» sur un terrain politique en ébullition. L'Exécutif assure que le président Umaru Yar'Adua «n'est pas incapable d'assurer ses fonctions» et qu'il n'y a aucune raison de le démettre. Position que partage la Haute Cour fédérale. Elle a rejeté hier une requête de l'association du barreau du Nigeria (NBA) visant à investir officiellement le vice-président Goodluck Jonathan comme «président par intérim» sous prétexte que le président, hospitalisé à Djeddah depuis le 23 novembre pour une affection cardiaque et des problèmes rénaux, a violé la Constitution en quittant le pays sans en avoir informé le parlement par écrit en application de l'article 145 de la Constitution de 1999. Selon Dan Abutu, son président «Umaru Yar'Adua n'a aucune obligation légale de transmettre un document écrit à l'Assemblée nationale avant de partir en vacances ou en traitement à l'étranger». Selon le ministre de la Justice, Michael Aondoakaa, le traitement médical que reçoit le président ne constitue pas «une incapacité qui conduise à lancer une procédure de destitution telle que prévue par les articles 144 et 146 de la Constitution». Le Sénat estime que le président doit notifier par écrit les raisons médicales de son absence prolongée et transférer formellement son pouvoir au vice-président, Jonathan Goodluck. Cet appel à suivre «le chemin de l'honneur» lancé par les 109 sénateurs dont 89 sont du Parti démocratique du peuple (PDP) d'Umaru Yar'Adua a été relayé depuis par un groupe d'anciens chefs d'Etat et hauts responsables. «Il est important de résoudre cette question en invitant le président à formaliser la communication nécessaire permettant au vice-président de devenir président par intérim», déclare ce groupe dans une lettre collective adressée à l'actuel chef d'Etat par l'ancien président de la junte, le général Yakubu Gowon. La rue renoue des manifestations à Abuja et Lagos. L'étranger qui fait un amalgame entre cette crise au sommet et le risque de radicalisme croissant de la jeunesse à l'image d'Umar Farouk Abdulmutallab qui a tenté de faire exploser un vol Amsterdam-Detroit le 25 décembre se dit inquiet. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et l'Union européenne ont appelé jeudi le pays à répondre par la voie démocratique à ce vide du pouvoir. Lors de la conférence de Londres sur l'Afghanistan, ils ont demandé à chaque partie de faire preuve de «retenue» et de chercher à résoudre leurs différents par des «moyens pacifiques». Le président rentrera «bientôt» au pays laisse croire le gouvernement qui ne semble pas savoir quoi faire «en cette période d'incertitudes» avec ce mandat qui court jusqu'au 21 avril 2011.