Sous la présidence espagnole, le premier sommet de l'UE avec le Maroc qui se fera sans le roi Mohamed VI ne manque pas de piment pour relever la parodie de relations stratégiques avec un « vieux voisin » du Sud. Ironie du sort : l'ancienne puissance coloniale, au Sahara Occidental, tend de nouveau la main avec l'actuelle puissance occupante pour conforter le deal honteux et continuer le pillage des richesses, dans la dénégation des droits humains et de la légalité internationale. Côté cour : Le ministre des Affaires étrangères du pays hôte, Miguel Moratinos, a entonné le refrain du signal fort adressé au pays voisin, tandis que le porte-parole du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Güllner, s'intéresse au « pilotage de la relation au plus haut niveau » prévue par la feuille de route du statut avancé, en 2008, à mi-chemin de l'accord d'association, conclu en 2000, et de l'intégration. La vision européo-centriste privilégie l'approche sécuritaire pour contenir « les menaces du sud » et la quête du partenariat commercial privilégié. Moratinos a évoqué un débat sur « les thèmes politiques, et surtout économiques et financières ». Au menu donc de la première journée du 6 mars : la réunion des hommes d'affaires européens et marocains pour passer au scanner les perspectives de coopération dans les domaines du transport, des infrastructures, de l'énergie et des énergies renouvelables. Côté jardin : le contre sommet de Grenade, lancé aujourd'hui, et les manifestations populaires de Cordoue tranchent avec l'esprit festif de l'Europe officielle. La présence remarquée de la « Ghandi sahraouie», de retour sur le terrain du combat pacifique, et la solidarité de la société civile et du mouvement espagnol et international, opposé au « traitement de faveur », imposent le rétablissement des vérités historiques gravement occultées par le déni des libertés fondamentales et des droits sahraouis. La Gauche unitaire européenne et les eurodéputés tentent de peser dur le cours de l'événement « historique » en revendiquant l'exigence du droit à l'autodétermination et la cessation des violations massives des droits de l'Homme par le Maroc. Une conférence de presse sera organisée commutativement par les journalistes marocains forcés à l'exil (Abou Bakr Jamaï et Ali Amar) ou victimes d'emprisonnement (Ali Lembarek) pour dénoncer l'arbitraire, la politique de harcèlement et des intimidations. A mille lieux des salons dorés, l'autre Europe se veut l'expression de la volonté populaire de «créer une réelle occasion de placer les droits humains au cœur des relations avec le Maroc» comme le souligne l'Organisation humanitaire Amnesty International. Dans le fond, l'Europe unie officielle qui a maintes fois conditionné l'aide au développement notamment en Afrique par le respect et la promotion des droits de l'homme et de la bonne gouvernance est-elle frappée d'une amnésie collective pour le cas marocain ? Doit aussi comprendre que le Maghreb est circonscrit dans le rôle ingrat de « gendarme » et conçu comme un marché de consommation des produits européens ? A juste titre, le président sahraoui, M. Mohamed Abdelaziz, estime que la signature d'accords de ce type est «une implication déplorable des Européens dans une action immorale et illégale qui s'accomplit sur les cadavres des Sahraouis et qui foule les droits de l'homme». Dans une déclaration à l'Agence de presse sahraouie (SPS), il a précisé que «le Maroc n'a aucune souveraineté sur le Sahara Occidental occupé» et que, en conséquence, « la signature d'accords entre l'Union européenne et le Maroc qui engloberait les territoires ou les eaux du Sahara Occidental occupé est une violation flagrante de la légalité internationale et une atteinte aux fondements de l'UE», a-t-il déclaré. Droit de l'Homme et droit international : qui a dit que l'Europe officielle s'en soucie réellement?