Voix n L'annonce de son assassinat a eu l'effet d'un tsunami sur la région. Il est parti mais son œuvre reste. Le 25 juin 1998 la mort embusquée à Tala Bounane sur la route menant de Tizi Ouzou à Béni Douala, personnalisée par des individus armés, était déterminée à recueillir celui qui l'a frôlée et chantée comme personne d'autre ne l'a fait, l'enfant adulé du peuple. Matoub Lounès «le patriote de toutes les patries opprimées» a été assassiné par des sanguinaires qui n'ont pas eu le courage de l'affronter de face. Le Rebelle est tombé les armes à la main laissant une population sans voix qui a exprimé sa douleur et sa colère par des émeutes et des marches qui ont bouleversé la Kabylie pendant plusieurs jours. L'annonce de sa mort a eu l'effet d'un tsunami sur la région et même au-delà car même ceux qui n'étaient pas ses fans admiraient le courage et le verbe franc de celui qui a chanté l'Algérie et «dit tout haut ce que les autres pensent tout bas». La mort, la femme, la misère et le déni des droits sont les thèmes de son œuvre inégalée. Une note d'amertume et de souffrance a toujours habillé les poèmes de l'enfant de Taourirt Moussa. Le verbe ciselé dans la roche de sa montagne aimée, exprimé avec une voix rugissante, Matoub a su faire un usage exceptionnel du kabyle. La magie et la profondeur de ses textes venaient justement d'une composition de phrases qui ne répondait pas aux usages admis. A chaque poème composé Matoub donnait une nouvelle âme, un autre souffle à sa langue maternelle. Servir la cause identitaire ne saurait se suffire des discours circonstanciels, des marches... Le mouvement de revendication devait s'accompagner de production et c'est ce qu'il a fait. Remettant à l'usage des mots oubliés, usant d'un mot dans un refrain puis le remplaçant par ses synonymes dans le même poème, le vers épousant la forme des sentiments qu'ils exprimaient... Avec lui le kabyle n'était que poésie, une langue riche et belle. Aujourd'hui ses fans ses amis et sa famille commémorent sa disparition avec une blessure dans l'âme à jamais saignante. Onze ans après sa disparition, le procès de ses assassins n'a toujours pas eu lieu. Il est peut-être temps que l'Algérie, qui a reconnu tamazight comme une langue nationale, reconnaisse officiellement ce grand poète d'expression amazighe et que les universitaires se penchent sur son œuvre unique que l'on ne cesse de redécouvrir a chaque fois qu'on réécoute ses chansons...