Un homme et sa femme avaient un fils et une fille ; la femme possédait une vache. Un jour, elle se senti mourir et dit à son mari : «Je te défends de vendre la vache des orphelins.» — Ne crains rien, répondit-il. Le père se remaria ; la nouvelle femme donnait aux orphelins de la mauvaise nourriture, et réservait à ses propres enfants ce qu'elle avait de meilleur. Les orphelins, devenus malheureux, gardaient leur vache et la tétaient ; bientôt ils reprirent leurs forces tandis que les enfants de leur marâtre dépérissaient : «Suivez-les, dit celle-ci, vous verrez ce qu'ils mangent et vous mangerez avec eux.» Arrivés aux champs, les orphelins tétèrent leur vache ; les enfants s'approchèrent pour téter à leur tour, mais la vache frappa la fille et l'aveugla. L'enfant revint au village en pleurant et dit à sa mère : «O ma mère, cette vache m'a aveuglée.» La mère irritée dit à son mari : «Demain tu vendras cette vache qui a aveuglé ma fille. » — « Je ne la vendrai pas, répondit-il ; ma première femme, en mourant, me l'a défendu en ces termes : «Prends garde de vendre la vache des orphelins.» — «Eh bien, si tu refuses de la vendre, je quitterai ta maison», reprit-elle. Son mari n'insista pas davantage «Demain, dit-il, je la mènerai au marché, je la vendrai.» Le lendemain, il mena la bête au marché. Au moment du départ, un ange lui adressa ces paroles : «Ne vends pas la vache des orphelins.» Il la mena au marché, et la garda jusqu'au soir sans la vendre. Il regagna sa maison ; sa femme, apercevant la vache, s'écria : «Pourquoi ne l'as-tu pas vendue ? Je retournerai donc à la maison de mes parents, puisque tu refuses de vendre une vache qui a aveuglé ma fille.» — «Demain, répondit-il, si Dieu le veut, je la vendrai.» Le lendemain, il la vendit. Les orphelins allèrent pleurer sur la tombe de leur mère. «O mère, lui dirent-ils, notre père a vendu la vache. La mère répondit : «O mes enfants, demandez ses intestins au boucher, vous les apporterez, et vous les viderez ici auprès de moi.» Les enfants allèrent chez le boucher et lui demandèrent les intestins de leur vache. Celui-ci les leur donna ; ils les apportèrent à l'endroit où leur mère était enterrée, ils les vidèrent sur sa tombe, aussitôt deux mamelles parurent : l'une donnait du beurre, l'autre du miel. Les orphelins tétèrent et bientôt recouvrèrent leur première santé. La cruelle marâtre se dit : «Que mangent-ils donc pour s'engraisser ainsi ?» Elle appela ses enfants et les envoya de nouveau examiner ce que mangeaient les orphelins. Ceux-ci partirent, les orphelins arrivèrent sur la tombe de leur mère, les autres les virent téter des mamelles. Ils s'approchèrent et leur dirent : «Retirez-vous, nous téterons aussi notre part.» (à suivre...)