Résumé de la 134e partie n Haydock interroge Tuppence et lui demande à quel service elle appartient... Haydock rapprocha son fauteuil. il était plus répugnant que jamais. — Entre nous, chère madame, je comprends à merveille ce que vous pouvez ressentir, mais vous devez me croire quand je vous dis que j'ai, pour votre mari et vous-même, une immense admiration. Vous avez du courage et du cran. Ce sont de gens comme vous dont le nouvel État aura besoin — cet État nouveau qui va naître dès que nous aurons vaincu le gouvernement débile qui préside encore à vos destinées. Nous voulons nous faire des amis de certains de nos ennemis — de ceux qui en valent la peine. Si j'ai à donner les ordres qui mettront fin à l'existence de votre époux, je le ferai — c'est mon devoir —, mais je le déplorerai, du plus profond de mon cœur ! C'est un homme remarquable. Il est pondéré, modeste, et il est intelligent. Je voudrais vous convaincre de ce que si peu de gens, dans l'Angleterre d'aujourd'hui, parais-sent comprendre. Notre Führer n'a pas l'intention de conquérir ce pays, au sens vulgaire du mot. Son objectif, c'est de créer une nouvelle Grande-Bretagne... une Grande-Bretagne forte et indépendante, une Grande-Bretagne dirigée non pas par des Allemands, mais par des Anglais. Des Anglais de bonne race, bien sûr. Des Anglais intelligents, bien éduqués, pleins d'ardeur et de courage... Ce sera «le meilleur des mondes», comme l'a dit Shakespeare. Le capitaine reprit sa respiration, se pencha en avant, comme pour une confidence et conclut : «Nous voulions en finir avec le désordre et l'impuissance. Avec les pots-de-vin et la corruption. Avec les individualistes et les gagne-petit... Et dans ce nouvel État, nous voulons avoir des gens comme votre mari et vous, des hommes et des femmes braves, prêts à faire face à tout..., des gens qui ont été nos ennemis et qui seront devenus nos amis... Vous seriez étonnée de découvrir combien sont nombreux, dans ce pays comme dans bien d'autres, ceux qui partagent notre foi et nos buts. À nous tous, nous allons créer une nouvelle Europe — une Europe de paix et de progrès. Essayez de voir les choses sous cet angle. Parce que — je peux vous en donner l'assurance —c'est là que réside la... Le timbre du capitaine Haydock s'était paré de sonorités émouvantes, hypnotiques. Le menton haut, il incarnait à la perfection le marin britannique de la plus haute tradition. Tuppence le regarda, cherchant une réponse. Tout ce qu'elle put trouver était aussi enfantin qu'agressif : — Petit jars, petite oie, chantonna-t-elle. La comptine agit comme une formule magique.Tuppence en demeura stupéfaite. D'un bond, Haydock se dressa. De fureur, son teint vira au cramoisi. En un instant, tout ce qui pouvait faire ressembler à un vaillant officier de la Marine de Sa Majesté s'évanouit. Et Tuppence eut devant les yeux ce que Tommy lui-même avait déjà vu : un Prussien au comble de la colère. Il l'insulta d'abondance, en allemand. Puis, revenant à l'anglais, il hurla : — Misérable gourde ! Vous ne comprenez pas que vous avez signé votre arrêt de mort en répondant comme ça ? (à suivre...)