Résumé de la 17e partie n Neville avoue à Kay qu'il a rencontré son ex-femme à Londres et qu'ils ont beaucoup bavardé… Tu ne m'avais jamais confié que tu songeais à ce genre de rabibochage. — Ça ne m'est venu que sur le moment. — Je vois. Quoi qu'il en soit, tu en as émis la suggestion, et Audrey a jugé que c'était une brillante idée ? Pour la première fois, Neville Strange sembla prendre conscience du ton persifleur de sa femme. — Cela te chiffonne, ma toute belle ? — Oh non. Pas du tout. Pas le moins du monde ! Mais ni Audrey ni toi ne vous êtes demandés si, moi, je trouverais l'idée aussi brillante que vous ? Il afficha son incompréhension : — Mais enfin, Kay ! Qu'est-ce que ça peut bien te faire, à toi ? Elle se mordit les lèvres. — L'autre jour, tu prétendais toi-même que... — Ah, on ne va pas recommencer ! Je parlais des autres. Pas de nous... — Mais c'est pourtant ce qui m'a permis d'imaginer que... — Et puis quoi, encore ? Tu ne voudrais tout de même pas que je gobe ça, non ? — Kay, voyons ! Je ne vois pas quelle raison tu pourrais bien avoir de t'inquiéter. — Il n'y en a pas, à ton avis ? — Allons... La jalousie et tout ce qui s'ensuit, c'est... c'est de la partie adverse que cela pourrait venir. Il se tut. Son ton changea : — Vois-tu, Kay, toi et moi avons très mal agi à l'égard d'Audrey. Enfin, non, ce n'est pas ce que je veux dire. Toi, tu n'y es pour rien. C'est moi qui ai très mal agi. Ça ne servirait à rien de dire que je ne pouvais pas m'en empêcher. Mais j'ai la conviction que tout irait mieux pour moi si vous pouviez toutes les deux vous entendre. Je crois que je serais beaucoup plus heureux. — Tu n'es pas heureux avec moi ? interrogea Kay. C'est ça, ce que tu sous-entends ? — Chère idiote, bien sûr que je suis heureux. Follement heureux. Mais... — Mais ! trancha-t-elle. Il y a toujours des «mais» entre nous. Comme une ombre qui rôde. L'ombre d'Audrey… Il la regardait fixement. — N'essaie quand même pas de me faire croire que tu es jalouse d'Audrey ! — Je n'en suis pas jalouse , j'en ai peur. Neville, tu ne sais pas de quoi Audrey est capable. — Après avoir été marié plus de huit ans avec elle, je ne la connaîtrais pas ? — Tu ne sais pas de quoi Audrey est capable, répéta Kay. 30 avril — C'est le monde à l'envers ! s'écria lady Tressilian. Elle se redressa contre ses oreillers et lança autour d'elle un regard furibond. — C'est d'une absurdité sans nom ! Neville est devenu fou. — Je reconnais que l'idée est peu banale, acquiesça Mary Aldin. Lady Tressilian possédait un profil accusé, avec un nez en bec d'aigle du haut duquel elle savait darder des regards à faire rentrer sous terre. En dépit de ses soixante-dix ans bien sonnés et de sa santé chancelante, son esprit indomptable conservait toute sa vigueur. Il est vrai que, pendant de longues périodes, elle paraissait se retirer hors du monde et de ses émotions. Elle restait alors étendue, les yeux mi-clos. (à suivre...)