Résumé de la 18e partie n Kay ne veut pas rencontrer Audrey et avoue ne pas en être jalouse, mais en avoir peur… Mais quand elle émergeait de ce semblant de coma, ses facultés n'en étaient que plus acérées, et sa langue, mieux pendue. Soutenue par oreillers et coussins dans un grand lit disposé dans un coin de sa chambre, elle avait, à l'instar des reines de France, l'habitude d'y tenir sa cour. Mary Aldin, une cousine éloignée, vivait à ses côtés et veillait sur elle. Les deux femmes s'entendaient à merveille. Mary avait trente-six ans, mais possédait un de ces doux visages sur lesquels les années marquent à peine leurs griffes : on lui aurait donné tout aussi bien trente ans que quarante-cinq. Suprêmement bien élevée, silhouette agréable, cheveux très bruns, elle présentait la particularité, sur le front, d'une mèche entièrement blanche qui la singularisait. A une époque, ç'avait été la mode. Mais, chez elle, cette mèche blanche, qui datait de son adolescence, ne devait rien à l'eau oxygénée. Pensive, Mary relisait la lettre de Neville Strange que Lady Tressilian venait de lui tendre. — Non, répéta-t-elle, ça n'est vraiment pas banal. — Et n'essayez pas de me dire, reprit la vieille dame, que Neville a trouvé ça tout seul ! Quelqu'un lui a soufflé cette idée saugrenue. Sans doute cette... enfin, sa nouvelle femme. — Kay Vous pensez que l'idée vient de Kay ? — Ce serait bien d'elle. Moderne et vulgaire ! Quand maris et femmes sont contraints d'étaler leurs problèmes sur la place publique et d'entamer une procédure de divorce, qu'ils veuillent bien, au moins, nous faire la grâce de se séparer avec un minimum de décence. Ces anciennes et ces nouvelles épouses qui se croient obligées de jouer les meilleures amies du monde me soulèvent le cœur. De nos jours, les gens ne savent plus se tenir ! — Il doit s'agir de ce qu'aujourd'hui on appelle progrès. — Eh bien, pas chez moi, trancha lady Tressilian. Je considère qu'en acceptant de recevoir ici l'an dernier cette créature aux orteils peinturlurés j'en ai déjà fait plus que je n'aurais dû. — C'est la femme de Neville. — Précisément. Et je pense que c'est ce que Matthew aurait voulu. Il adorait ce garçon, et il a toujours désiré qu'il puisse se considérer à la Pointe-aux-Mouettes comme chez lui. Si j'avais refusé de recevoir sa femme, ç'aurait été une rupture ouverte. C'est bien pour cela que j'ai cédé et consenti à l'inviter. Mais je ne l'aime pas. Elle est tout le contraire de ce qu'il faudrait à Neville... On ne sait même pas d'où elle sort ! — Elle est d'excellente famille, fit observer Mary. — Parlons-en ! Son père, comme je vous l'ai déjà raconté, a été contraint de démissionner de tous les clubs dont il faisait partie après une scabreuse histoire de jeu. Heureusement, il a eu la sagesse de mourir peu de temps après. Quant à sa mère, elle s'était acquis une célébrité de bien mauvais aloi sur la Côte d'Azur. Quelle éducation pour une jeune fille ! (à suivre...)