Pour faire entendre leur voix, les citoyens n'hésitent plus à recourir à l'émeute, bloquant les routes et saccageant les édifices publics. Un mode de protestation qui tourne parfois au drame, comme cela s'est passé ce week-end à Tirmitine, dans la wilaya de Tizi Ouzou, où la contestation de l'emplacement d'un lycée a débouché sur la destruction d'une importante partie des archives communales… La route est bloquée et les édifices publics incendiés à la moindre coupure d'électricité ou d'eau, une distribution jugée inéquitable de logements, une route non bitumée ou encore une bavure d'un représentant de l'Etat. Ce mode de protestation est adopté par toutes les régions du pays, faisant sortir épisodiquement de l'anonymat des bourgades reculées. Il faut dire, peut-être à la décharge des émeutiers, que les autorités ne font souvent rien pour les empêcher de recourir à cette option extrême : les fausse promesses, quand ce n'est pas carrément la sourde oreille, et les lenteurs bureaucratiques font que les protestataires n'ont guère le choix... Mais force est de relever que les émeutes prennent parfois des allures disproportionnées, pénalisant, en premier lieu, la population. Ce qui s'est passé il y a deux jours à Tirmitine, une commune sise à 20 km au sud-ouest de Tizi Ouzou, en est un parfait exemple. Réputée pour ses beaux paysages, sa participation honorable à la Guerre de Libération nationale et sa population jalouse des valeurs de l'hospitalité, la localité a connu, jeudi passé, un faux pas regrettable. Les habitants des villages du versant ouest de la localité dont Megdoul, Zerouda, Ibehlal et Afir ont saccagé et incendié le siège de l'APC, détruisant la mémoire collective de la région. Fort heureusement, les 3 registres d'état civil (naissances, mariages et décès) ont été épargnés par les flammes car ils étaient gardés dans un coffre-fort. Pour le reste des documents (archives, certificats de possession…) tout est parti en fumée et c'est le développement de la région qui en pâtira en fonctionnant au ralenti le temps de reconstituer ce qui peut l'être. Cet acte, délibéré ou pas, est injustifiable. Les manifestants n'ont, en fin de compte, porté atteinte qu'à eux-mêmes. Si le choix du terrain pour la construction du lycée de Tirmitine a été à l'origine de cette violence, que même durant la crise de Kabylie (Printemps noir) la commune n'a pas connue, les racines du malaise remontent, cependant, à plus loin dans le temps. En effet, les habitants du versant ouest de Tirmitine se sont toujours considérés comme des marginalisés et des oubliés, car cette partie de la localité, soulignent-ils, n'a bénéficié d'aucun programme de développement. L'implantation du lycée loin de ladite zone a été contestée depuis l'inscription du projet, mais les autorités locales ont sous-estimé la colère des villageois qui, après plusieurs actions pacifiques, ont franchi la ligne rouge jeudi passé. Il faut dire que depuis quelques années, les habitants de la wilaya ont compris que seul le langage de la rue paye. Et l'exemple du lotissement Tala Alam, dans la commune de Tizi Ouzou, est le plus illustratif. Après six années de démarches auprès des autorités pour obtenir le bitumage de la route, la réalisation d'avaloirs, de l'assainissement, il a fallu une émeute et le blocage de la route pour que les travaux soient engagés. Tala Alam a même été l'exemple à suivre pour d'autres localités telles que Tamda, Issiakhen-Oumedour, Maâtkas… Les autorités locales gagneraient beaucoup à écouter et à sonder la colère des populations, mais aussi en œuvrant à l'effacement des inégalités de développement entre les localités.