Test n Si Djeha doit montrer son incompétence, qu'il le fasse publiquement, ainsi les gens verront qu'il ne vaut rien et cesseront de l'admirer. Djeha est passé maître dans l'art de manipuler les choses. Ses reparties sont célèbres et en ont laissé plus d'un pantois. Un jour, des savants ont entendu parler de lui et voulaient vérifier s'il est vraiment aussi intelligent qu'on le dit. Ils arrivent – au nombre de trois – dans le village et lancent un défi à Djeha. — Si tu es aussi intelligent qu'on le dit, accepteras-tu de répondre à nos questions ? — je veux bien, dit Djeha, mais je veux que la séance soit publique et que tous les habitants du village y assistent ! — d'accord, disent les savants». Ils trouvent l'idée bonne : si Djeha doit montrer son incompétence, qu'il le fasse publiquement, ainsi les gens verront qu'il ne vaut rien et cesseront de l'admirer et de faire de lui l'homme le plus astucieux du pays ! Djeha, lui, pense autrement : il veut montrer que ces hommes qui se prétendent plus intelligents que lui ne sont, en fait, que des incompétents. Dans l'après-midi, après la prière du dhohr, on se réunit sur la place du village. Une tribune est aménagée et les savants y prennent place. Djeha, nullement intimidé, leur fait face. Certes, il n'est pas allé à l'école et ne sait pas écrire, mais il sait que l'intelligence n'est pas seulement le fait des gens instruits. Le plus âgé des savants s'adresse à Djeha. — le salut soit sur toi ! — et sur vous, nobles savants. Je suis heureux que vous ayez choisi mon village pour faire votre halte… Au nom de mes compatriotes, je vous souhaite la bienvenue ! Le savant fronce les sourcils. — qui t'a appris à être aussi éloquent ? — la politesse fait partie des usages de ce village. Le savant hoche la tête. — tu as bien parlé ! Il consulte à voix basse ses collègues. — faut-il lui poser tout de suite les questions que nous avons préparées ? — non, pas tout de suite. — il a bien parlé, il est à son avantage… Il faut chercher à le ridiculiser ! — alors, demandons-lui ses références intellectuelles ! — commençons d'abord par donner les nôtres, pour l'impressionner ! Le savant qui a parlé, s'éclaircit la voix. — sidi Djeha, avant de te poser des questions, nous permets-tu d'abord de nous présenter ? Djeha a compris où ces hommes veulent en venir. — tout le monde connaît votre réputation, mes seigneurs, mais ce n'est pas un mal de nous la rappeler ! Les trois savants se présentent les uns après les autres, donnant les écoles où ils ont étudié, les maîtres qu'ils ont eus… — et toi ? dit le savant à Djeha. — moi ? dit Djeha. J'ai été formé à l'école de la vie, mes maîtres sont la pauvreté et la débrouillardise ! (à suivre...)