Résumé de la 4e partie n Malgré l'omerta, les policiers apprennent que Gondolfo vient d'acquérir un important stock de viande de porc… D'abord perplexes, les policiers ne tardent pas à avoir l'explication. D'autres informateurs révèlent au FBI que la plupart des charcutiers de New York viennent de passer des commandes considérables de viande de porc à Joe Gondolfo. Des quantités insensées, sans rapport avec leurs ventes, qui ne peuvent que pourrir dans leur arrière-boutique. On enquête auprès des charcutiers comme on l'a fait auprès des fabricants de vêtements féminins. Mais là encore, on se heurte au même silence terrorisé. — Eh bien oui, j'ai acheté de la viande à Joe Gondolfo. Qu'est-ce qu'il y a d'extraordinaire à cela ? — Vous en avez acheté pour 10 000 dollars. Vous ne pourrez jamais la vendre. Elle va pourrir. — Et alors ? Si j'ai envie que ma viande pourrisse ? — Vous allez ruiner votre commerce. — C'est mon droit. Ce n'est pas un délit, que je sache... Laissez-moi, je vous en prie, laissez-moi ! Cette fois, c'en est trop ! Le directeur de la police new-yorkaise décide d'interroger lui-même Joe Gondolfo. Il le reçoit dans son bureau. Celui-ci se présente à l'heure dite, décontracté, un œillet à la boutonnière de son costume de la meilleure coupe porté sur une chemise de soie. Malgré ses tempes grisonnantes, il fait moins que ses cinquante ans. Il est du genre sec et vif. Il s'exprime d'une manière volubile, avec un léger accent italien. Joe Gondolfo s'installe confortablement sur le siège qu'on lui désigne et attaque l'entretien. — Alors, pouvez-vous me dire ce qu'on me reproche ? De faire des affaires ? C'est ce que doit faire tout citoyen consciencieux. — Vous avez vendu pour des centaines de milliers de dollars de viande à des commerçants qui n'en avaient pas besoin. Gondolfo hausse les épaules. — Et alors ? Je l'ai vendue légalement. — Je sais que vous avez agi par la menace. Cette fois, Joe Gondölfo s'anime — C'est faux ! Je n'ai jamais menacé personne. Je vous défie de trouver une seule personne qui vous dise le contraire. Le chef de la police soupire. Il sent bien qu'il n'est pas le plus fort. — N'empêche qu'ils vous ont cédé parce qu'ils avaient peur. Joe Gondolfo éclate de rire. — Bien sûr qu'ils avaient peur ! Je vais même vous dire exactement ce qui s'est passé. Je me suis contenté de leur envoyer ma proposition de viande avec ma carte de visite. Et ils m'ont tous passé commande. Pas étonnant, avec tout ce que la presse raconte sur moi en ce moment et avec l'enquête que vous menez. Si je fais si peur aux gens, c'est à cause de vous ! Maintenant, je peux vendre n'importe quoi à n'importe qui. Alors, qu'est-ce que vous voulez, j'en profite... Et le directeur de la police new-yorkaise est bien obligé de le laisser partir. Lorsque l'opinion publique l'apprend, elle se révolte. C'est le comble ! Non seulement l'action entreprise depuis des mois contre Joe Gondolfo ne lui a causé aucun tort, mais elle le sert, en faisant sa publicité ! Il suffit désormais de prononcer son nom pour que les gens lui donnent ce qu'il veut ! Alors, les autorités américaines se fâchent vraiment. Elles décident de mettre en mouvement la seule administration qui soit plus puissante que les organisations de gangsters : les impôts... Quand Joe Gondolfo voit débarquer chez lui deux inspecteurs du fisc, il fait la grimace. En narguant le directeur de la police, il a été trop loin. Il sait que cette fois, on ne le lâchera plus. Pendant des mois, les inspecteurs fiscaux épluchent sa comptabilité. Et, en novembre 1957, Joe Gondolfo est condamné pour fraude fiscale à trente ans de prison. Celui qui était responsable de dizaines de meurtres s'est vu reprocher d'avoir exagéré le montant de ses donations aux bonnes oeuvres déductibles de ses impôts... Mais qu'importe. Privé de son chef, le gang de la confection féminine a vécu et, au prix de son terrible sacrifice, le petit journaliste a tout de même fini par venger son père.