Ruse n Djeha prend place dans le cercle des convives. On apporte la grande écuelle de couscous fumante, avec des morceaux de viande tout autour. Il y a une ouadha – un repas collectif – au village. Tous les hommes sont invités à partager un couscous dans la cour de la maison. Djeha fait, bien entendu, partie des invités. Or, tout le monde ne l'apprécie pas à cause des tours qu'il a joués à presque tout le monde ! Et puis, on a aussi peur de Djeha car il est vorace ! — il va tout dévorer ! — si seulement, il ne pouvait pas venir ! — il ne faut pas y compter ! — il doit se préparer depuis hier ! — il va tout dévorer ! C'est alors que quelqu'un a une idée. — dès qu'on apportera le plat, on va tout faire pour le faire déguerpir ! — comment ? — Eh bien, on lui donnera une nouvelle qui le fera partir ! — comme quoi, par exemple ? On réfléchit. — on lui dira qu'il y a le feu dans son village ! — ça, c'est une bonne idée ! Quelques instants après, Djeha arrive. Il prend place dans le cercle des convives. On apporte la grande écuelle de couscous fumante, avec des morceaux de viande tout autour. — hum, dit Djeha qui frémit à l'odeur de la nourriture. Un homme prononce la formule de bénédiction : — au nom de Dieu… Aussitôt, on saisit les cuillers. C'est alors qu'un homme s'écrie. — Djeha, il y a le feu dans ton village ! Djeha, qui a déjà englouti la première cuiller de couscous et un morceau de viande, répond : — ah, bon… — oui, le feu est dans ton village ! — et mon quartier ? demande Djeha. Un autre répond. — le feu l'a atteint ! Djeha continue à engloutir cuiller après cuiller, morceau de viande après morceau de viande. Tout en mâchant, il demande. — et ma maison ? — il l'a atteinte ! — et ma famille ? — tous, sont morts ! Djeha, qui a fini tout le plat, pose sa cuillère et se lève : — besslamat rassi, l'essentiel est que ma tête soit sauvée ! Il s'en va enfin. Les convives soufflent. Il se retourne vers le plat, mais Djeha a tout mangé : couscous et viande ! (à suivre...)