Résumé de la 1re partie Marcel Bianchi part chercher son bateau. Mais à son arrivée, le capitaine Contos le reçoit un pistolet à la main. Il n?y a même pas eu un blessé. Et le bateau n?a rien ! Strictement rien ! Même pas une éraflure ! Pourtant, il est irrécupérable. Pourquoi ? Parce qu?il est venu s?échouer un 21 septembre, jour de l?équinoxe. Ce jour-là, la marée monte à plusieurs mètres au-dessus du niveau habituel. Cela ne se reproduit que deux fois par an. L?autre équinoxe, c?est celle du printemps : le 21 mars. Nous sommes début décembre. Il y a deux mois et demi que le «Tarfaya» s?est posé en haut de la plage. Les flamants roses n?y ont rien compris. Le capitaine Contos non plus : quand c?est arrivé, il dormait. Depuis, la marée étant redevenue normale, l?eau ne parvient qu?à entourer la coque du «Tarfaya», deux ou trois heures par jour. Mais pas assez, et de loin, pour le faire flotter ! Le petit cargo est posé bien droit sur le sable, car il a un fond large et plat. Il n?est même pas incliné ! Sa coque, son hélice, sa machine, tout est absolument intact. Il y a eu un peu de vaisselle cassée quand il s?est posé, c?est tout. Car il n?y avait même pas de tempête ! Bien entendu, on a essayé de le déséchouer. Deux remorqueurs, puis un troisième, sont venus de Casablanca. Mais, pour aggraver son cas, ou plutôt celui du capitaine Contos, le «Tarfaya» s?est échoué, non pas perpendiculairement, mais parallèlement à la plage ! Les rouleaux à marée haute remontent la légère pente de sable pour venir le frapper de flanc. Il fallait donc d?abord essayer de faire pivoter son avant vers le large. On a «frappé» trois élingues d?acier grosses comme le bras à la proue, et trois gros remorqueurs au large ont tiré. Ils ont fait du «surplace» et les élingues ont cassé. Deux fois. Le capitaine Contos a pourtant fait vider les cales du cargo sur la plage ! Des traverses de chemin de fer, des caisses de sardines et d?oranges. Rien n?y a fait. Le sable mouillé fait ventouse et le «Tarfaya» ne veut pas pivoter. C?est grave pour le capitaine. Car il retrouvera difficilement un engagement, après une pareille négligence. Il a quarante-sept ans, c?est encore jeune, mais on sait qu?il a tendance à boire. Après ce coup, il sera sur la liste noire? Le capitaine Contos est un peu Espagnol, un peu Italien et un peu Français. Il est «pied noir» et coléreux. Depuis que le «Tarfaya» s?est échoué, il s?est mis à boire davantage et il s?est obstiné à rester à bord. La cargaison a été évacuée par camions vers Agadir. L?équipage marocain est parti. De guerre lasse, l?assurance du navire a indemnisé les propriétaires et mis l?épave aux enchères. Mais le capitaine Contos ne veut rien entendre. Il se prend pour le capitaine Carlsen et refuse de quitter le bord. Il tourne un peu au paranoïaque? Marcel Bianchi, lui, est ferrailleur à Casablanca. Il sait qu?il sera pratiquement le seul à faire une enchère. Il faut être fou pour aller «désosser» un cargo sur une plage déserte, à trois cents kilomètres au sud d?Agadir. En plus des travaux, il faudra tout transporter par camion ! Mais il a déjà fait son calcul. Il compte dépenser là-dessus, en tout, une quinzaine de millions de francs anciens. A flot, le bateau en vaudrait six cents. En morceaux, il en vaudra bien cent. Rien que la machine et tout le cuivre? En prenant des camionneurs payés à la tâche? En campant sur place et en dirigeant la démolition lui-même? ça devrait laisser au moins une soixantaine de millions d?ici au printemps. A condition de ne pas mollir ! (à suivre...)