Résumé de la 4e partie Huit jours plus tard, Bianchi réapparaît sur la dune. Il a acheté l?épave pour presque rien. Marcel Bianchi contemple le désastre. On arrive à Noël. Plus que trois mois avant l?équinoxe de printemps. Jamais, d?ici à là, on n?aura terminé ! Les grandes marées trouveront le «Tarfaya» à moitié découpé, emporteront tout et, de nouveau, la digue avec ! Or Bianchi a emprunté dix millions. Et l?échéance est au 1er mai. Il comprend soudain qu?il est mal embarqué? Aussi mal, sinon plus, que cet étrange capitaine Contos ! D?ailleurs, celui-ci, qui n?a rien dit depuis deux semaines, lui lance depuis le pont : «Alors la ferraille ? ça va comme tu veux ?» Bianchi avance entre les blocs de sa digue éparpillés. Autour de chacun d?eux, la mer, en se retirant, a creusé un petit entonnoir dans le sable... Arrivé à la coque du cargo, il lève la tête et dit : «Ecoute, capitaine ! Ton métier c?est la mer, et regarde où tu es ! Mon métier c?est la ferraille, et regarde où j?en suis ! Mais moi, je ne suis pas un dingue ! J?arrête les frais ! Tu n?as plus de situation, hein ? Eh bien moi, je n?ai plus un sou ! J?ai tout emprunté, tu comprends ? Alors, tu n?as qu?à crever sur ce tas de ferraille ! Moi je remballe !» Marcel Bianchi, qui a raconté lui-même cette histoire à un journaliste français du Maroc, dit à ce moment qu?il est vraiment parti, qu?il a tout fait remballer dans les camions, et que c?est vraiment une fois arrivé en haut de la dune qu?il s?est retourné une dernière fois sur le «Tarfaya», la rage au c?ur. Et c?est là qu?il a vu, alors, quelque chose qui l?a frappé à l?estomac : le capitaine Contos avait hissé tous les pavillons du cargo, et il était sur le pont et faisait de grands signes ! «C?est la colère qui m?a fait retourner, raconte Bianchi. J?ai cru qu?il me faisait... le geste que peut faire un pied-noir dans ce cas-là ! Mais ce n?était pas du tout ça ! Il m?a dit : ?C?est Noël après-demain, je t?invite à réveillonner. J?ai du whisky à bord et de la dinde congelée. Qu?est-ce que tu en as à faire, de rester deux jours de plus ? Allez viens, la ferraille, et on va boire tous les deux !?» «Le plus incroyable de cette histoire, rapporte encore Marcel Bianchi, c?est que c?est vraiment en nous soûlant tous les deux, pendant la nuit de Noël, dans ce bateau vide, que nous avons trouvé la solution. Les Marocains étaient sur la plage, dans leurs guitounes. Ils faisaient du feu et buvaient du thé à la menthe. Nous buvions tous les deux à nos faillites respectives, dans le carré du ?Tarfaya?. Je ne serais pas capable de dire si c?est lui ou moi qui a trouvé. Nous étions trop soûls. Mais ce que je sais, c?est que le lendemain matin, quand on s?est réveillés, je me rappellerai toujours : il y avait les flamants roses qui dormaient du côté de l?oued, le soleil se levait, la mer s?était calmée. On s?est regardés, et on s?est dit : ?Chiche qu?on essaie ! Si ça marche, on garde le bateau à deux ! D?accord !? Et voila ce qui s?est passé, et qui est bien entendu absolument authentique.» Marcel Bianchi est reparti tout seul à Casablanca avec sa jeep. Il a fait les mille six cents kilomètres aller et retour en six jours. Ce n'est pas très rapide, mais c?est parce qu?il est revenu avec un énorme semi-remorque. Sur la plateforme, il y avait, dans l?ordre : un compresseur, un bulldozer, et... un train d?atterrissage de bombardier ! Très exactement, de forteresse volante ! Et voici ce que les deux hommes ont fait, le capitaine et le ferrailleur, ensemble, parce qu?ils ne pouvaient pas dire qui des deux en avait puisé l?idée le premier dans le whisky. Ils ont planté dans le sable une simple plaque de tôle, un peu épaisse, assez près de l?étrave du «Tarfaya». Ils ont coincé le train d?atterrissage de forteresse volante entre la plaque de tôle et l?étrave : un peu en biais, dirigé vers le haut. (à suivre...)