Résumé de la 3e partie Le capitaine frappe le ferrailleur, qui tombe à la renverse. Affolé il essaie de le ranimer. «Espèce de salaud ! Imbécile ! Abruti d?alcoolique ! ça ne m?étonne pas que tu aies planté ton bateau ! Quand je reviendrai la semaine prochaine, il sera à moi ! Et j?aurai des ouvriers ! Et des gendarmes !» Le capitaine Contos, la chemise pleine de sang, le regarde et lui dit : «Gendarmes ou pas, le premier qui touche à ce bateau, je le descends !» Huit jours plus tard, Marcel Bianchi réapparaît sur la dune? Il a acheté l?épave du cargo pour la somme relativement dérisoire de quinze millions d?anciens francs. Un peu plus qu?il prévoyait, tout de même. Il a dû s?endetter. D?autant plus qu?il va falloir en dépenser encore au moins autant pour la démolition et le transport? Mais ça reste valable, à condition de faire vite avant les tempêtes de février-mars. Marcel Bianchi revient avec cinq camions chargés d?ouvriers marocains qui tapent sur la tôle en scandant des mélopées. Il a tout : des chalumeaux, des bouteilles de gaz, un compresseur, des pinces à ferraille? Tout? sauf les gendarmes. Dans cette période qui suit l?indépendance, la gendarmerie marocaine a tendance à mépriser un peu ce qu?elle considère comme une «chikaya» entre deux pieds-noirs. Et puis, ça n?est pas si simple? Il paraît que Contos avait des parts dans le bateau. Elles sont saisies, parce que l?assurance le poursuit devant le tribunal maritime? Bref, le commandant de la gendarmerie d?Agadir a dit à Marcel Bianchi, d?un air assez ironique : «Cette affaire n?est pas claire et j?ai autre chose à faire que de détacher une jeep à trois cents kilomètres? Débrouillez-vous. Mais si j?ai une plainte d?un ouvrier marocain, je vous préviens, je mets tout le monde en prison : vous et le capitaine.» Aussi, quand Bianchi s?installe sur la plage avec ses ouvriers, il y a d?abord un pacte de non-agression entre lui et Contos. Le capitaine campe toujours tout seul à bord du «Tarfaya». Il a des vivres pour tenir l?hiver, le frigo fonctionne, tout fonctionne? S?il voulait, il pourrait faire tourner l?hélice dans le vide ! Le ferrailleur passe deux semaines à faire construire une digue de pierres sur la plage, jusqu?au pied du cargo, de façon que les camions et le compresseur ne risquent pas de s?enliser. Il a décidé, pour l?instant, de traiter le capitaine par l?indifférence. Avec le temps, il compte qu?il va perdre le moral et descendre du bateau. Tout, plutôt que de se battre encore, entre deux pieds-noirs, devant soixante ouvriers marocains nouvellement indépendants, qui ne feront pas un geste pour aider leur patron ! Et qui s?en amuseront bien. Sans compter qu?avec ce fou ivrogne de Contos, on ne sait jamais, ça peut tourner au drame ! Noël arrive. Un étrange Noël. Sur la plage immense, la digue approche du bateau. Décembre à l?embouchure du Draâ, aux confins de la Mauritanie, c?est un soleil éclatant. Et des flamants roses, et des mouettes, et des oiseaux inconnus par milliers. C?est une drôle de trêve. Contos a tendu des lignes de fond vers le large, il pêche des sars et des mulets. Il se promène le long du bastingage, regarde la digue avancer peu à peu. Manifestement, il a son pistolet à fusée à la main. Il a relevé l?échelle de coupée, si bien que pour grimper à bord du «Tarfaya», le moment venu, il faudra lancer des grappins, comme au temps des pirates ! Marcel Bianchi sent l?absurde de la situation. Il faudra bien sortir Contos de là. Mais pour l?instant, il retarde le problème en faisant avancer la digue. Dans deux jours, il aura terminé une sorte de petit quai en gros cailloux le long de la coque. Juste pour Noël. Alors, on verra bien. Dans les deux jours qui suivent, il voit. Mais ce qu?il voit, c?est sa digue de pierres sèches emportée par une tempête ! Les vagues se sont fracassées contre la coque du «Tarfaya», l?ont contourné, ont creusé le sable et éparpillé les morceaux de rocher. Deux semaines de perdues. Et le «Tarfaya», lui, n?a pas bougé ! (à suivre...)