Au moment où l'on évoque au niveau des décideurs un système de régulation des prix, les citoyens continuent de se serrer la ceinture et de se priver d'une liste, tous les jours, un peu plus longue de produits alimentaires. Fruits et légumes notamment battent tous les records et le pire c'est que rien ne laisse augurer d'un éventuel changement positif de la situation. La courgette coûte entre 90 et 130 DA le kilo, la pomme de terre 55 DA, la carotte 60 DA… Des prix qui donnent le tournis aux citoyens qui ne savent plus de quoi «remplir leur marmite». Face à cette flambée, les clients se contentent de prendre les produits les plus élémentaires. La richesse de la valeur nutritionnelle du repas n'est plus une préoccupation première. «Comment voulez-vous qu'un simple fonctionnaire puisse se permettre un repas complet ? Personnellement, je n'achète plus que des pommes de terre, des oignons et des carottes pour préparer la sauce et j'essaye d'en utiliser le moins possible. Franchement, le marché est devenu un monstre !», témoigne Rabah, infirmier, père de trois enfants, croisé au marché Ali-Mellah (Alger). Avec son maigre salaire, notre interlocuteur est incapable d'assurer une nourriture équilibrée à sa famille. «Auparavant, je remplissais un couffin de toutes sortes de fruits et légumes, mais aujourd'hui, j'arrive à peine à remplir un petit sachet.» Il est d'ailleurs très fréquent de voir des clients acheter 500 g et parfois moins de légumes. «Finie l'époque où nous achetions par deux kilos et plus ! Avec cette cherté, nous sommes obligés de serrer la ceinture et faire l'impasse sur certains aliments. Allah ghaleb, l'essentiel maintenant est de se remplir le ventre», regrette Farida, mère de famille, enseignante et dont l'époux, dit-elle, est au chômage. Quant aux fruits, ils sont tout simplement écartés du menu. Un kilo d'oranges à 130 DA, idem pour les mandarines, en pleine saison ! Les commerçants reconnaissent que rares sont les citoyens qui osent les approcher. «J'arrive difficilement à écouler un cageot de 25 kilos d'oranges. Les clients me demandent la raison de cette cherté. Ma seule réponse est que la faute incombe aux grossistes ! En réalité, je passe beaucoup plus de temps à parler qu'à vendre», affirme un commerçant au marché Clauzel (Alger-centre). «Je n'achète les fruits que lorsque je dois rendre visite à un proche ou un ami malade. Quant au dessert, il ne fait plus partie de nos repas depuis fort longtemps. Les fruits sont un luxe que seuls les nantis peuvent se permettre. Quant à nous, nous nous contentons de les contempler...», regrette Saïd, employé dans une administration publique, père de cinq enfants. Et le comble est que la flambée des prix n'est plus un phénomène conjoncturel lié à des échéances particulières (la rentrée scolaire, le mois sacré de ramadan, les périodes de fêtes...). La somme à laisser au marché est presque la même tout au long de l'année, puisqu'à chaque période la hausse des prix concerne certains produits. Lorsque le prix de la pomme de terre devient raisonnable, par exemple, il faut s'attendre à ce que le prix d'un autre légume double. En l'absence d'une organisation du marché, les commerçants continuent de s'acharner sur des citoyens impuissants…