Résumé de la 4e partie n Les policiers sont informés que Poinsot a dîné à l'hôtel des Mulets et le client qui bavardait avec lui, était bien l'assassin… La piste suisse s'arrête là. Où est-il allé après s'être donné du bon temps sur les bords du lac Léman ? Mystère. Les recherches reprennent de plus belle, mais en vain. Jud l'insaisissable est signalé partout, mais ne se trouve nulle part. Bientôt son nom est connu de toute la France. Pour l'opinion publique, que cette histoire passionne, bien qu'il soit un meurtrier il devient une sorte de Guignol narguant les gendarmes et l'autorité, ce qui rend furieux les représentants de l'ordre. Un poète nommé Glatigny, qui jouit alors d'une certaine notoriété et possède une vague ressemblance avec l'assassin, est arrêté en Corse où il est en vacances. Il a beau clamer sa bonne foi, il reste en prison plusieurs jours avant d'être relâché. Il raconte l'histoire dans un petit récit qui fait rire la France entière. On apprendra par la suite que le gendarme avait consigné dans son rapport : «J'ai arrêté cet individu parce qu'il avait l'air fugitif.» En ce milieu du Second Empire, Charles Jud est un personnage à la mode. Il revient dans toutes les conversations, que ce soit dans les salons ou les foyers. Les mamans menacent de l'appeler lorsque leurs enfants ne veulent pas manger leur soupe. Plusieurs ivrognes sont condamnés pour outrage à agent parce qu'ils ont lancé aux représentants de l'ordre, d'un ton goguenard : — Où est Jud ? Comment cela se fait-il qu'il court toujours ? En attendant, faute de résultat sur le plan policier, la procédure judiciaire suit son cours. Le 15 octobre 1861, le procès de l'assassin du train Bâle-Paris a lieu en son absence. Au terme de rapides débats, Charles Jud est condamné par contumace à la peine de mort. Et c'est tout ! Malgré tous les efforts déployés, on en restera là. Jud l'insaisissable ne sera jamais pris et, dix ans plus tard, les poursuites contre lui seront abandonnées. Entre-temps, l'Empire a disparu et a été remplacé par la République... Pendant toutes ces années, on a reparlé de la piste politique. On a évoqué des éléments de l'enquête que la police n'a pas voulu exploiter, les témoignages des domestiques de Chaource, en particulier, qui avaient signalé qu'un mystérieux inconnu était venu voir le président Poinsot juste avant son départ. Celui-ci avait refusé de dire son nom, se bornant à déclarer qu'il était attendu. De fait, le président l'avait reçu longuement, avant de partir avec lui prendre le train. D'autre part, lorsqu'on a ouvert le coffre-fort de Chaource, on a constaté qu'il était totalement vide. Tout cela laisse à penser que l'affaire est plus compliquée qu'il n'y paraît. Jud est l'assassin, c'est une certitude, les indices laissés à Troyes et à Genève sont suffisamment probants, mais n'a-t-il pas été chargé par le mystérieux inconnu ou par quelqu'un d'autre de déguiser un crime politique en crime crapuleux ? C'est sur ce point d'interrogation que se termine l'affaire. Mais elle a eu une conséquence qui, elle, n'est pas douteuse. Devant l'émotion provoquée par le crime, Eugène Rouher, ministre de l'Intérieur, a décrété que les compagnies de chemin de fer devaient installer un signal d'alarme dans chaque compartiment. Et cette initiative française a rapidement été imitée dans les autres pays. C'est étonnant, mais si tant de personnes ont été sauvées par la suite grâce au signal d'alarme, c'est à Charles Jud, ce sauvage assassin, qu'elles le doivent !