Ibn Ma'ra' va expliquer à sa vieille tante que certains saints font exprès d'adopter des comportements étranges, ils se donnent même une mauvaise réputation et se font blâmer par leurs contemporains, choisissant justement la «voie du blâme», t'ariq al malâm, pour s'exprimer. On les croit délurés, fous, voire de mauvaise vie, mais ce n'est qu'une apparence car, en secret, ils jeûnent, prient et adorent Dieu de toutes leurs forces ! Non, la vieille femme ne conçoit pas une telle attitude, elle la condamnerait même, parce qu'elle ne la comprend pas ; Elle a été habituée à l'exposition ostentatoire des actes de la religion, de prétendus saints qui passent leurs nuits en prière mais dont le cœur est plein de convoitise et de haine pour leur prochain. Aujourd'hui on se moque de Choudhi et on dit que c'est un homme étrange, un fou ; demain, quand on connaîtra ses mérites, on ne cessera de le louer, comme autrefois, on a loué Abû Yazîd Al Bisthâmi. Lui aussi avait un comportement bizarre, puisqu'il se promenait dans les marchés, distribuant aux enfants des noix et leur demandant, pour toute rétribution, de le gifler ! Il ne parlait jamais de Dieu, comme les dévots, mais son cœur était plein de la pensée de Dieu, et tout ce qu'il faisait, il le dédiait à Dieu. La foi se trouve dans les cœurs et ce sont le cœurs qui seront jugés les premiers…