Résumé de la 2e partie Abû 'Abd Allah ech-Choudhi est un mystique curieux : il vend des bonbons et fait rire les enfants. Ibn Mar?a retourne chez sa tante, bouleversé. ? Ma tante, lui dit-il, j'ai rencontré aujourd'hui un homme extraordinaire ! ? Qui est-ce donc, mon fils ?, dit la tante, surprise par le ton ému de son neveu. ? Un mystique, ma tante ! Il vend des bonbons et se comporte d'une façon bizarre? ? Ah, dit la tante, c'est Choudhi le marchand de bonbons... Elle a parlé sur un ton sarcastique, mais Ibn Mar?a est enthousiaste. ? Ma tante, il porte les signes de la sainteté... Il a vendu ses bonbons et tu sais ce qu'il a fait ensuite ? Il a distribué l'argent aux pauvres ! Il n'a gardé pour lui que de quoi acheter un pain ! ? Il danse et chante dans les rues, il amuse les enfants et les enfants se moquent de lui. Ils l'injurient et lui lancent des pierres ! ? Les enfants ont l'inconscience de leur âge, l'homme, lui, est un saint ! La tante soupire. ? Pense ce que tu veux, mon fils, cet homme est vraiment étrange ! ? Cet homme est un saint ! ? Un saint ! ? Parfaitement ma tante, un saint ! Ibn Mar?a ne va pas expliquer à sa vieille tante que certains saints font exprès d'adopter des comportements étranges, ils se donnent même une mauvaise réputation et se font blâmer par leurs contemporains, choisissant justement t'ariq al-malâm (la voie du blâme), pour s'exprimer. On les croit délurés, fous, voire de mauvaise vie, mais ce n'est qu'une apparence car, en secret, ils jeûnent, prient et adorent Dieu de toutes leurs forces ! Non, la vieille femme ne comprendrait pas cette attitude, elle la condamnerait même, parce qu'elle ne la comprend pas. Elle a été habituée à l'exposition ostentatoire des actes de la religion de prétendus saints qui passent leurs nuits en prière mais dont le c?ur est plein de convoitise et de haine pour leur prochain. Aujourd'hui, on se moque de Choudhi et on dit que c'est un homme étrange, un fou ; demain, quand on connaîtra ses mérites, on ne cessera de le louer, comme autrefois on a loué Abû Yazîd Al-Bisthâmi : lui aussi avait un comportement bizarre puisqu'il se promenait dans les marchés, distribuant aux enfants des noix et leur demandant, pour toute rétribution, de le gifler ! Il ne parlait jamais de Dieu comme les dévots, mais son c?ur était plein de la pensée de Dieu, et tout ce qu'il faisait, il le dédiait à Dieu. La foi se trouve dans les c?urs et ce sont les c?urs qui seront jugés les premiers : soit qu'ils ont été sincères et ils méritent les plus hautes récompenses, soit qu'ils ont été infidèles et méritent les châtiments les plus douloureux ! Cette nuit-là, Ibn Mar?a ne parvient pas à dormir. Il ne cesse de penser au marchand de bonbons et le désir de le connaître, de devenir son élève ne cesse de croître. Le savant andalou est persuadé, en effet, que l'homme qui fait le pitre dans les rues de Tlemcen peut lui apporter la connaissance qui lui manque : celle des choses ineffables ! (à suivre...)