Résumé de la 1re partie n Les nandous regardent avec intérêt, fascinés par les éclairs que le soleil arrache aux casques des espagnols : ils adorent tout ce qui brille… Un des chefs espagnols hurle un ordre : — A l'oratoire de saint Ignace ! Aussitôt sa troupe se replie vers la petite bâtisse, en aussi bon ordre que possible. Les adversaires ont très bien entendu et compris puisqu'eux aussi sont castillans. De l'intérêt des guerres fratricides... Ils essayent, de leur côté, de déborder l'ennemi pour être les premiers à encercler l'oratoire. Mais le chef, Don Ramon de la Serra, qui a eu le premier l'idée, se retrouve solidement installé avec ses hommes autour du petit édifice. Quelques cadavres jonchent l'herbe de la pampa. Don Ramon s'adresse à ses adversaires et annonce : — Dorénavant, messieurs, si vous voulez faire vos dévotions à notre grand saint, vous ne pourrez vous approcher de la statue bénie qu'après m'avoir payé un tribut de cinq pistoles ! — Cinq pistoles ! Pour prier saint Ignace ! C'est impie ! Nous te ferons excommunier et ta vieille carcasse ira rôtir en enfer dès que nous aurons pu t'embrocher ! — Cinq pistoles ou pas de dévotion ! — Que les os de ton grand-père servent de baguettes pour frapper le tambour fait avec le ventre de ta mère ! Comme on le voit, on ne plaisante pas avec la religion ni avec la famille en ce début du XVIIe siècle... Ceux qui n'ont pas réussi à entourer l'oratoire se sentent poussés à bout. La bataille reprend de plus belle : les uns avancent, les autres reculent mais personne ne l'emporte. Alors, comme le soleil est au zénith, il fait un peu trop chaud pour continuer à frapper d'estoc et de taille. Chaque clan campe sur ses positions et certains se mettent en quête d'ombre pour se rafraîchir. La torpeur saisit les combattants et les sentinelles elles-mêmes se mettent à somnoler un peu. Le nandou couve toujours son œuf. D'autres oiseaux, non loin de là, font entendre leur cri ou gobent quelques serpents après les avoir estourbis. C'est le moment que choisit un grand nandou pour s'approcher à pas lents et silencieux du champ de bataille. Peut-être voit-il briller dans l'herbe quelque médaille qui attire sa convoitise. Le nandou approche et personne ne le remarque. Le nandou, avec sa petite tête au bout d'un long cou flexible, inspecte les environs. La porte de l'oratoire est ouverte et l'ombre fraîche incite l'oiseau à explorer l'inconnu. Un soldat voit le nandou qui entre : — Miracle ! Regardez ! Même les nandous viennent faire leurs dévotions à saint Ignace ! Du coup les soldats des deux camps, sans changer de place, se jettent à genoux et entonnent, pour l'instant à l'unisson, un «Gloria». Beau moment de ferveur et de communauté religieuse. Le nandou ressort enfin de l'oratoire. On s'attend presque à voir une auréole luire au-dessus de sa tête de ratite... Don Ramon, qui tient l'oratoire, décide d'y entrer pour voir si saint Ignace n'a pas fait quelque miracle. Une fois que ses yeux se sont habitués à l'obscurité il pousse un cri : — Madre de Dios ! La petite statue d'ivoire n'est plus là. Saint Ignace a disparu. Don Ramon pense que dans le feu du combat quelque soldat de l'autre parti s'est introduit dans l'oratoire et a emporté le saint. Mais alors pourquoi les autres continueraient-ils à combattre s'ils sont maîtres du saint ? — Le petit saint est parti ! Du coup les deux camps font spontanément la trêve pour venir constater l'incroyable. Un Espagnol plus instruit que les autres lance : (à suivre...)