Résumé de la 2e partie n Au lieu de faire des va-et-vient entre les épaules de Willy et le drapeau, Abe,l'aigle militaire, décide d'encourager chacun des petits gars en bleu marine… Sa voiture-laboratoire, une carriole fermée tirée par deux chevaux maigres, porte une inscription : «What is it ?» (Qu'est-ce que c'est ?) Eternelle question que posent les soldats des deux camps en l'apercevant. Brady aussi se demande en apercevant le bel oiseau aux rubans tricolores : «Qu'est-ce que c'est ?» Brady n'est évidemment pas à même de photographier un aigle enrubanné en plein vol. Dommage ! Le miracle est qu'Abe survit toujours à cette grêle de balles meurtrières qui fauche les rangs des jeunes soldats et mutile les arbres pour des dizaines d'années. Sans doute les combattants ont-ils d'autres chats à fouetter et d'autres cibles à viser qu'un rapace qui ne les importune en définitive jamais. Au bout du compte, il est présent dans cinquante batailles dignes de ce nom. A son palmarès, on peut ajouter trente-six escarmouches plus ou moins meurtrières. Durant tous ces accrochages Abe vole sans interruption. On se demande où il trouve l'énergie et le sang-froid pour ne jamais s'enfuir loin du tumulte. Et tout le monde reconnaît son cri désormais célèbre. Il vole, il glapit, il s'en sort indemne... ou presque. Un jour, en le récupérant, constate qu'il saigne, mais il s'agit d'une égratignure sans importance : une balle perdue qui a dû ricocher sur un arbre. Parfois, Willy constate qu'Abe, comme on dit, «laisse des plumes» dans la bataille. Il revient vers son maître avec le croupion un peu déplumé : la mort n'est pas passée loin mais cela n'entame en rien son énergie au combat. Maintenant qu'il fait vraiment partie du régiment, un problème se pose. Willy ne participe pas à tous les combats du 8e régiment du Wisconsin. Willy non, mais Abe si, et même on le considère comme une mascotte, un fétiche qui assurera la victoire. Avant de donner l'ordre d'attaquer, l'officier qui commande s'informe : — Est-ce qu'Abe est là ? Sinon, on attend qu'il soit présent pour donner l'ordre de marche. On en a besoin dans une guerre où l'on lance au combat des garçons si jeunes qu'ils n'ont encore eu aucune instruction militaire. Les officiers leur disent : «Allez, les gars, ce n'est pas plus difficile que de tirer des écureuils. Or, ici, la différence c'est que les écureuils ont aussi des fusils !» Chaque fois, un homme différent est chargé de porter Abe, bien agrippé sur son épaule. Les volontaires ne manquent pas, pour une raison qui se précise chaque jour davantage : la superstition ou la croyance en quelque protection inexplicable. — En tous les cas, jamais aucun des garçons chargés de porter Abe n'a été tué ni même blessé. Qu'est-ce que vous dites de ça ? Cette réputation flatteuse déborde bientôt le camp yankee. Les soldats en gris du général Lee, eux aussi, ont remarqué Abe et ses glapissements guerriers. Au début, ils ne comprennent pas bien le rôle de l'oiseau splendide qui vole de l'un à l'autre mais reste toujours très près des Unionistes. Puis, au hasard des interrogatoires de prisonniers yankees, on en apprend un peu plus : — Abe, c'est un oiseau porte-chance : il nous encourage quand on charge à pied. Sans lui on aurait trois fois moins d'énergie. A lui seul, il vaut toute une brigade ! C'est aussi ce que pensent les sudistes. Maintenant, quand ils aperçoivent lors d'un affrontement Abe qui vole et trompette à pleine voix leur moral en prend un coup : — Cette saloperie d'oiseau est là. On est mal partis ! — Qu'on me bousille ce busard yankee ! (à suivre...)