Résumé de la 1re partie n Willy s'engage dans l'armée. Nous sommes en 1861 et le général sudiste Pierre Beauregard vient d'attaquer fort Sumter… Sitôt que son régiment se met en marche pour affronter l'ennemi, Abe quitte l'épaule de Willy et s'envole jusqu'au... drapeau du régiment. Il décrit un petit cercle au-dessus de l'étendard qui flotte au vent puis il revient se percher sur l'épaule de son maître. Les officiers notent très vite ce manège sympathique : — Superbe ! On dirait qu'il encourage nos garçons à aller de l'avant sans trop réfléchir. Lors de la journée de Bull Run, en tout cas, Abe a fort à faire pour ne pas perdre son Willy de vue, car Unionistes et Confédérés sont complètement perdus. Il faut dire que douze mille hommes qui ne savent plus où sont leurs chefs, ni même vraiment où est l'ennemi, douze mille hommes perdus dans la fumée des canons, cela fait une belle pagaille. Les belles dames et les beaux messieurs venus assister au spectacle se retrouvent même maculés de poudre et de sang. On abandonne les paniers de pique-nique pour refluer en grand désordre vers la capitale fédérale. Alors, si c'est ça la guerre ! Ce n'est pas aussi drôle qu'on l'aurait cru. Eh non! belles dames ! Eh non! beaux messieurs ! Et encore vous n'avez rien vu : vous avez le temps, vous en avez pour cinq ans ! Abe est interloqué par ces belles dames en tenues colorées, par ces crinolines immenses qui encombrent les victorias et qui rentrent crottées pour échapper aux balles et aux obus qui tuent. Sans doute se demande-t-il si ce sont des drapeaux comme celui du 8e Wisconsin qu'il repère si bien. Au bout de quelque temps, les soldats apprennent à combattre et Abe, de son côté, change de tactique. Quand il quitte l'épaule de Willy, c'est pour aller se percher en haut du drapeau la «Vieille Gloire», comme on surnomme l'emblème. Abe ne pèse pas de tout son poids et le porte-drapeau, après un premier instant de surprise, accepte cette assistance imprévue qui lui donne un peu plus de panache. On parle de lui dans l'armée. Et l'on parle de Willy aussi. Entre deux combats plus ou moins victorieux, les troupes yankees défilent souvent, plus ou moins éclopées, dans les rues des villes qui les soutiennent. C'est l'heure de gloire pour Abe ! Il est à présent un bel oiseau adulte et il s'avise un jour d'inventer une nouvelle «figure» (Dieu sait pourquoi un aigle peut avoir des idées...) : voilà Abe qui saisit le drapeau yankee percé de balles entre ses griffes puissantes et l'arrache littéralement des mains du porte-drapeau. Celui-ci hésite un peu, résiste pour la forme, mais après tout, qu'y aurait-il à craindre du bel aigle si fidèle et si ardent dans la bataille ? Certainement pas qu'il aille emporter l'étendard yankee jusqu'aux rangs des confédérés du général Lee... Effectivement Abe prend de l'altitude et la foule applaudit cet aigle porte-drapeau. On siffle, on crie son nom : — Abe, vas-y, bel oiseau ! Pour les yankees ! Le jour de la bataille de Farmington, dans le Wisconsin, Abe adopte une nouvelle attitude. Au lieu de faire des va-et-vient entre les épaules de Willy et le drapeau, l'aigle militaire décide d'encourager chacun des petits gars en bleu marine. Il vole de l'un à l'autre et glapit littéralement des encouragements à l'intention de chacun. Les balles des fusils confédérés ne semblent pas l'impressionner. Abe s'intéresse sans doute à une voiture noire qui parcourt le champ de bataille en suivant les brancardiers qui ramassent blessés et morts. La voiture est celle du richissime Mathew Brady, qui photographie tout ce qui bouge encore sur le champ de bataille. (à suivre...)