Si l'Afrique du Sud est devenue le premier pays du continent noir à organiser le premier événement sportif de la planète, elle sera inévitablement la première terre qui consacrera un pays européen hors du Vieux Continent. Mieux encore, si l'Espagne réussit à prendre le meilleur, ce soir, sur l'Allemagne, l'Afrique du Sud offrira le trophée à une nation qui n'a jamais gagné la Coupe du monde en dehors du cercle restreint du groupe des sept (Brésil, Italie, Allemagne, Uruguay, Argentine, Angleterre et France). La Roja (surnom donnée à l'équipe d'Espagne) a donc rendez-vous avec l'histoire, elle qui n'a jamais atteint le stade des demi-finales, si on excepte la phase finale des poules disputée en 1950, lors de l'édition brésilienne. Championne d'Europe en titre et imposante durant la phase qualificative en alignant dix victoires en autant de matchs, soit le meilleur bilan que les Pays-Bas (tiens, tiens), l'Espagne n'aura jamais été aussi près d'une consécration mondiale que cette fois-ci. Seulement, pour y parvenir, il faudra se débarrasser d'une encombrante équipe allemande, mais surtout la plus impressionnante de ce Mondial, tant sur le plan du jeu que sur le plan de l'offensive (déjà 13 buts marqués). Il faut dire que cette rencontre Espagne- Allemagne est une véritable finale avant la lettre entre deux sélections habitées par la même faim et la même confiance de gagner. Entre une Allemagne qui est en passe de jouer sa huitième de finale et avide de prendre sa revanche sur la finale de l'Euro-2008 où elle avait perdu face justement à cette même Espagne, et une Roja qui veut imposer son jeu et ne faire aucune concession à son adversaire à une marche de la finale, il n'est pas du tout aisé d'avancer le moindre pronostic, même si Paul, la pieuvre, a choisi l'Espagne ! Composé en grande partie de joueurs évoluant au FC Barcelone, au Real Madrid, à Valence et à Bilbao, le groupe espagnol propose un jeu plaisant, basé sur le mouvement et une impressionnante circulation du ballon, même si au cours de ce Mondial il a perdu un peu de sa consistance devant des adversaires qui ont réussi à gêner la machine de Vicente Del Bosque, le successeur d'Aragonès depuis le sacre européen. Seulement, le sélectionneur d'Espagne a plus d'un tour dans son sac, tellement son effectif est riche, talentueux et complémentaire, notamment avec un milieu de terrain royal. Un milieu qui fait l'équilibre, qui aiguille le jeu et qui alimente l''offensive, voire marque même lorsque les attaquants n'y parviennent pas. S'adossant sur la paire défensive du Barça, Puyol-Piqué, mais surtout sur le duo de cerveau Xavi-Iniesta, l'Espagne reproduit à quelques détails près le jeu efficace des Catalans, imprégné par Guardiola, et que les autres joueurs adoptent et dans lequel ils se fondent sans le moindre souci. A l'image d'un Busquets – à peine vingt-deux ans – qui, faisant preuve d'une maturité tactique, d'un calme olympien et d'une intelligence dans le jeu, donne l'impression d'un autre maître à jouer. Ou bien un David Villa, au sommet de son art, qui a su remplacer Fernando Torres qui traverse difficilement ce Mondial, voire un Fernando Llorente capable de faire basculer un match ou un Fabregas en joker de luxe, comme quoi l'équipe a de la ressource et peut s'enorgueillir du record de 35 matchs sans défaite (stoppé par les USA l'année dernière en Coupe des Confédérations) ou bien celui de 15 victoires consécutives jamais égalées jusqu'à maintenant. Pour peu maintenant que cette Espagne, rayonnante, séduisante et ambitieuse tienne ses promesses, la Coupe du monde, qui fête ses quatre-vingts ans cette année, pourra s'offrir un nouveau vainqueur. Comme elle n'a pas snobé l'Afrique, dimanche 11 juillet peut devenir une date historique pour la nation ibérique. Mais attention, il y a l'Allemagne sur laquelle on peut dire la même chose. Rien n'est encore gagné d'avance.