II y avait deux orphelins qui s'en allaient par les champs et les prés, par la longue route, par la vaste terre. Leurs parents étaient morts, les laissant tout seuls. La grande sœur Alionouchka et son petit frère Ivanouchka sont partis courir le monde au hasard de l'aventure. Le soleil est haut, le puits est loin, la chaleur est cruelle, la sueur ruisselle. Ivanouchka a bien soif. — Patiente, petit frère, dit Alionouchka. On va arriver au puits. Mais avant d'y arriver, ils voient un étang. Au bord, les vaches sont en train de paître. Ivanouchka dit : — Alionouchka, ma sœur, je vais boire de l'eau de cet étang. — Ne bois pas, petit frère. Tu deviendrais un petit veau. Ivanouchka a obéi et ils ont poursuivi leur chemin. Mais le soleil est haut, le puits encore loin et la chaleur cruelle, la sueur ruisselle. Au bord de la rivière des chevaux paissent ; Ivanouchka dit : — Alionouchka, ma sœur, j'ai soif ! Je vais boire dans la rivière. — Ne bois pas, petit frère, tu deviendrais petit poulain. Ivanouchka a soupiré, s'est laissé emmener. Mais le soleil est haut, le puits est loin et la chaleur cruelle, la sueur ruisselle. Au bord d'un lac des chèvres broutent. Ivanouchka dit : — Alionouchka, ma sœur, je n'y tiens plus ! Je vais boire là. — Ne bois pas, petit frère, tu deviendrais petit chevreau. Mais cette fois Ivanouchka n'a pas écouté sa sœur. Il a bu de l'eau du lac et aussi il est devenu un petit chevreau. Alionouchka s'est assise dans l'herbe et a pleuré des larmes amères ; le chevreau autour d'elle gambade, bêle. Mais pleurer n'est pas remède au malheur. Alionouchka a noué autour du cou du chevreau sa ceinture de soie et l'a emmené comme ça avec elle. Un jour le chevreau gambadait en liberté, il est entré dans les jardins du tsar. Alionouchka voulait le rattraper et l'a suivi. Les serviteurs du tsar l'ont vue, ils ont couru dire à leur maître qu'il y avait un chevreau dans ses jardins et avec le chevreau une jeune fille si belle qu'on ne peut la décrire. Le tsar a voulu voir cette beauté, il a dit aux serviteurs de lui amener la jeune fille et son chevreau. Et il se mit à demander : qui ils sont, où ils vont, d'où ils viennent ? Alionouchka ne lui a rien caché : — Quand nos père et mère sont morts, mon frère Ivanouchka et moi sommes partis à l'aventure. Ivanouchka avait soif, il a bu de l'eau du lac près duquel des chèvres broutaient. Et il est devenu chevreau. Plus le tsar l'écoute, plus il la regarde. Plus il la regarde et plus il la trouve belle, si bien qu'à la fin il lui dit : «Accepte-moi pour mari ! Tu seras vêtue d'or, coiffée d'argent. Et le chevreau vivra avec nous dans la joie. Alionouchka n'a pas dit non. Un tsar, ça n'attend pas pour donner un festin ! On a vite célébré la noce et les voilà vivant tous trois ensemble, le chevreau dans les jardins trottine, mange et boit avec le tsar et la tsarine. Et ils sont tellement heureux qu'à les voir les braves gens se réjouissent, les méchants sont malades d'envie. Mais un jour que le tsar était à la chasse, une méchante sorcière est venue trouver Alionouchka. Par des paroles trompeuses, elle l'a attirée au bord de la mer ; par traîtrise elle l'a jetée à l'eau avec une pierre au cou.(à suivre...)