Résumé de la 1re partie n Gérard Lemoine vient de prendre une décision : il va commettre un meurtre... Onze septembre 1974. Comme d'habitude, Gérard Lemoine tarde à rentrer chez lui. Ce soir-là, au sortir de sa banque, au lieu d'aller prendre sa voiture, il s'est assis sur un banc, à côté d'un clochard qui lui a demandé une cigarette. Il ne connaît pas son nom : c'est la première fois qu'il le voit dans le quartier et c'est pour cela sans doute qu'il se laisse aller à parler... Car Gérard Lemoine a besoin de parler. — Je vais te faire une confidence : je vais commettre un meurtre ! — T'es un rigolo, toi ! — Non, mon vieux ! pas un rigolo, un futur assassin ! — Et quand tu veux faire ça ? — Demain... Je vais même te dire comment. Près de chez moi, en bordure d'un chemin dans la forêt, il y a une fondrière. Je l'emmène avec moi jusque-là, et au bon moment ni vu ni connu, je le pousse. Personne ne peut sortir de ce truc-là ! Le clochard hausse les épaules. — Le type ne voudra jamais te suivre. Il ne sera pas assez fou. — Si, mon vieux, il sera assez fou... Et le plus fort c'est que je ne serai même pas soupçonné... Le clochard regarde son compagnon de rencontre avec méfiance. — Toi, tu te moques de moi, ou alors il y a un truc... Gérard Lemoine se lève et part d'un petit rire sinistre. — Tu as raison, mon vieux, il y a un truc... 12 septembre 1974, dix heures du matin. Caché derrière un buisson, Gérard Lemoine observe sa maison. Tout à l'heure, en arrivant à la banque, il s'est plaint d'un malaise. Son directeur l'a laissé rentrer chez lui sans difficulté ; il faut bien qu'il y ait un avantage à avoir été un employé modèle pendant des années... C'est l'heure où Nathalie va faire ses courses. La voie est libre. Gérard Lemoine pousse le portail, ouvre la porte de la villa, et se met à siffler. — Darling ! Darling accourt en poussant des aboiements joyeux. Gérard Lemoine le flatte de petites caresses. — Allez, viens, mon chien... On va aller se promener tous les deux. Et, suivi de Darling, il franchit le portail. Il prend la direction de la forêt. L'animal, ravi de cette sortie inattendue, exprime son allégresse en courant à droite et à gauche... Gérard Lemoine se met à lui parler. — On va à la fondrière, Darling. Tu sais ce que c'est une fondrière ? Non, tu ne sais pas. Tu ne sais rien... Tu ne sais même pas que je te hais. Ce n'est pas ta faute, note bien. Ce n'est pas ta faute si l'autre t'a donné en cadeau à Nathalie. Mais tu comprends, chaque fois que je te vois, je pense à lui. Et ça, c'est trop dur. Je ne peux plus !... Tu comprends, Darling ? Le chien s'est mis à sauter aux côtés de son maître, réclamant visiblement qu'il lui lance un bout de bois pour aller le chercher. Gérard Lemoine accélère le pas. Il évite de regarder l'animal qui veut jouer avec lui, mais il continue à lui parler. — Tu penses que je suis un lâche ? C'est vrai... Je vais me venger sur toi, un être sans défense, pire, le seul qui m'aime peut-être... Mais il faut me comprendre, Darling. Après, j'achèterai un autre chien à Nathalie. Ce sera un chien que je lui aurai donné, moi. Alors, peut-être qu'elle sera touchée et qu'elle me reviendra... Gérard Lemoine s'arrête... C'est là. Il regarde le trou marécageux qui borde le sentier. Il sent une légère nausée l'envahir... D'une brusque poussée, il projette l'animal et s'éloigne en se bouchant les oreilles pour ne pas entendre les gémissements. Lorsqu'il rentre le soir à la maison, il trouve, comme prévu, Nathalie au désespoir. — Tu n'as pas vu Darling ? — Je ne vois pas comment ! Il n'est pas venu me dire bonjour à la banque. (à suivre...)