Résumé de la 3e partie n Darling, le chien que Gérard Lemoine pense avoir tué, reparaît... Darling et son maître sont arrivés dans la carrière. L'animal dévale les pentes avec agilité. Gérard Lemoine avance plus prudemment. Voilà... Ici, c'est parfait. A perte de vue, rien qu'une étendue désertique, chaotique, de terre et de cailloux... Gérard Lemoine soulève une grosse pierre et coince la laisse dessous. Il tire quelques coups secs. Elle tient... Il appelle : — Darling ! Viens, mon chien ! Darling obéit et son maître fixe la laisse au collier. L'animal est un peu surpris ; il n'a pas l'habitude de porter la laisse. Mais il se met à aboyer joyeusement quand il voit Gérard approcher la dynamite. Il doit sans doute penser à un bâton que son maître va lancer pour qu'il le rattrape... Gérard Lemoine tire un bout de ficelle de sa poche, attache rapidement l'explosif au collier. Il sort son briquet. La mèche est assez longue, au moins cinq minutes... Bien suffisant pour se mettre à l'abri. Une gerbe d'étincelles jaillit... C'est fait ! Gérard Lemoine court de toutes ses forces. Adieu Darling ! Cette fois, il n'a aucun regret, aucun. En une minute, il a parcouru deux cents mètres, il doit être déjà hors de portée... Et c'est alors qu'il entend un bruit inimaginable, abominable. Un bruit léger, régulier, familier : le halètement de Darling, le bon chien, le chien fidèle qui suit son maître... Darling est là, gambadant à ses côtés, tout fier de s'être libéré, Darling dont le collier dégage des étincelles d'arbre de Noël... Gérard Lemoine est devenu aussi blanc que les pierres de la carrière. — Va-t'en Darling ! Mais va-t'en ! Allez, couché tout de suite ! Docile, l'animal s'assied... Gérard Lemoine reprend sa course, mais le chien s'est relevé en même temps, en quelques sauts il l'a rejoint. Maintenant il se met à tourner autour de lui en aboyant... Combien de temps peut-il rester ? Trois minutes, pas plus... Gérard Lemoine fait un bond pour agripper le collier du chien, mais celui-ci, qui croit à un jeu, s'écarte agilement et attend quelques mètres plus loin... Gérard Lemoine ruisselle de sueur... Perdu, il est perdu !... Non !... Il a encore une chance : le Loing, la rivière, il a encore le temps de s'y jeter. Les peupliers qui bordent le cours d'eau... Encore quelques mètres... Gérard Lemoine ne voit plus rien, n'entend plus rien, les battements de son cœur sont assourdissants. Il saute... C'est alors seulement qu'il se souvient qu'il ne sait pas nager... Le courant est violent. Gérard hurle, la tête à moitié sous l'eau : — Darling, au secours ! Il a le temps d'entrevoir une forme noire qui bondit, d'entendre un plouf. Quelques instants plus tard, il s'accroche au collier, arrachant le bâton de dynamite. Il se laisse emporter sur la rive et s'évanouit. Quand il reprend conscience, une dizaine de personnes sont autour de lui. Darling tire une grande langue rouge... Gérard Lemoine entend quelqu'un lui dire : — Vous avez eu une drôle de chance. Faut-il qu'il vous aime votre chien !... C'est trop d'émotion pour Gérard. En rentrant chez lui, il n'a pas la force de cacher la vérité à sa femme. Il lui raconte tout : les deux tentatives, la fondrière et la dynamite. Et, bien sûr, la réaction de Nathalie est celle qu'il attendait. Cette fois c'est la fin, la rupture, le divorce. 18 décembre 1974. Gérard Lemoine quitte définitivement Lebourdin. Il s'est arrangé avec sa femme : elle gardera la villa et il ira s'installer à Orléans. Depuis qu'ils ont décidé de se séparer, il a curieusement retrouvé son calme... Dans le fond, c'est mieux ainsi. Que Nathalie vive donc avec son gentleman-farmer ; lui, à 45 ans et avec sa situation, il est très capable de refaire sa vie. Après avoir entassé ses valises dans sa voiture, Gérard Lemoine adresse un petit salut à son ex-femme et démarre... La campagne du Loiret, couverte de neige, lui semble plus belle que jamais. Toute cette étendue blanche, sans tache... Il a un sursaut. Si, il y a une tache : un chien noir qui court derrière la voiture, à perdre haleine... Quand Darling a sauté sur le siège du passager, par la portière ouverte, Gérard Lemoine a eu du mal à se défendre de ses coups de langue. — Allez, Darling, arrête ! On va chez nous. Allez, couché, sale bête !