Résumé de la 2e partie n Francis Burbage manifeste son inquiétude quant au «pilote» Jack qui le rapproche des côtes... Francis Burbage obéit en crispant les mâchoires, mais au bout de quelques instants il n'y tient plus — Non, cette fois non ! Nous allons éperonner ! J'ai étudié la carte. Il faut obliquer par tribord ! Et, sans en avoir reçu l'ordre, il fait tourner désespérément la barre à toute allure... Trop tard. Il y a un craquement épouvantable. Le «Penguin» se fracasse sur un récif. Il éclate, se disloque. Il y a des hurlements de terreur partout sur le pont... La suite est un cauchemar... L'eau surgit en geyser du pont brisé. Il n'est pas possible de mettre les canots à la mer. Chacun s'accroche à ce qu'il peut et recommande son âme à Dieu. Nelson Dillworth et Francis Burbage s'agrippent à un même morceau de mât et sont emportés dans les flots. Lorsqu'ils reprennent conscience de ce qui les entoure, ils sont sauvés. Une vague plus forte que les autres les a jetés sur un îlot au milieu de la passe. Depuis, comme il est normal en cette saison, le coup de vent a cessé aussi brusquement qu'il s'était levé. La mer est redevenue calme et c'est de nouveau le soleil de l'été austral. Les deux hommes regardent autour d'eux. Ils sont seuls. Aussi loin que porte la vue, ils n'aperçoivent pas un seul débris du «Penguin» ni un seul de ses hommes d'équipage. Le commandant Dillworth se redresse péniblement : — Je ne comprends pas... Francis Burbage se masse le corps en grimaçant. — Moi, je comprends : il l'a fait exprès ! — Vous dites ? — Je dis qu'il l'a fait exprès. Un animal aussi intelligent que Jack n'a pas pu se tromper. Malheureusement pour nous, il est trop intelligent. Il a de la mémoire et des sentiments : le sentiment de l'injustice et celui de la haine. Le commandant a la gorge nouée. — Je n'aurais jamais cru cela... — Jack est à ce point un animal supérieur qu'il nous ressemble. Il a agi comme nous l'aurions fait en pareil cas : il s'est vengé... Le commandant Nelson Dillworth est de plus en plus bouleversé. — C'est ma faute ! C'est entièrement ma faute ! — Vous aviez seulement sous-estimé Jack, commandant... Burbage revient à leur situation présente. — Maintenant, il ne nous reste plus qu'à attendre le prochain navire. Il en passe souvent ? — Toutes les semaines environ. — II y a pas mal d'eau de pluie dans les trous des rochers. On devrait pouvoir tenir. Mais soudain le pilote s'interrompt : — Bon sang, Jack ! — Quoi, Jack ? — Il ne voudra jamais qu'on nous sauve ! Le prochain bateau qui passera, il l'enverra sur les récifs, comme nous ! Le commandant Dillworth se prend la tête dans les mains. — Mon Dieu, les malheureux ! Francis Burbage termine d'une voix morne : — Et nous, nous sommes fichus ! Le pilote se trompait. Six jours plus tard, un schooner hollandais, le «Batavia», les recueillait à son bord, après avoir aperçu leurs signaux. A l'avant du navire, une forme gris-bleu sautillait. C'était Jack. Seule la silhouette du «Penguin» avait été enregistrée dans son esprit de dauphin, les autres navires restaient pour lui des amis... Et il a continué longtemps de les guider à travers les périls et les traîtrises de la French -Pass, entre la Nouvelle-Zélande du Sud et l'île d'Urville. Exactement jusqu'en 1912, où plus personne ne l'a vu. Cette fois, Jack le dauphin était mort, après quarante et un ans d'une extraordinaire carrière de pilote. Quarante et un ans pendant lesquels il avait accompli sans faille sa mission. A une exception près. Mais elle n'était due qu'à la bêtise et à la méchanceté des hommes.