Résumé de la 3e partie n La bataille entre Anglais et Français s'engage. Mustapha, dans la colonne anglaise, hurle à la mort la perte de son maître... Les ennemis sont désormais dans une position intenable : ils reçoivent l'ordre de se replier en bon ordre tout en gardant leur drapeau au milieu d'eux. Sept mille d'entre eux restent sur le terrain, morts ou blessés. Deux mille n'ont d'autre solution que de se rendre. Indifférent à la débandade des Ecossais et des Anglais, Mustapha cherche comme un fou. Une seule pensée agite sans doute sa petite tête de bâtard fidèle : «Où est mon maître ? Pourquoi n'est-il plus debout à côté de moi ?» Mustapha gratte la terre boueuse jonchée de débris, de bouts de métal encore brûlants, de morceaux de chair humaine. Mus-tapha renifle des mains, des pieds encore chaussés de cuir, des têtes même figées dans des rictus plus ou moins horribles. Mais nulle part il ne retrouve l'odeur tant aimée du maître rouquin et barbu. Tout autour de lui, les balles sifflent et des hommes tombent en poussant des cris déchirants. Le sang gicle et le poil indéfinissable de Mustapha se couvre d'un mélange répugnant de boue et de sang, mais il continue à chercher. En vain. Mustapha se glisse sous l'affût de canons définitivement enlisés, il contourne les corps éventrés de braves chevaux tendrement élevés dans les vertes plaines anglaises ou autrichiennes. Pas de maître ! Pourtant si, Mustapha reconnaît soudain une barbe : le maître est là. Contrairement à son habitude, il est étendu sur le dos, immobile. Mustapha remarque qu'il porte un trou bien rond au milieu du front et qu'une traînée sanglante lui dévore l'œil. Un œil d'une fixité inquiétante. Un œil qui semble contempler à jamais un ciel agité de nuages et de fureur. Mustapha renifle son maître mort sans trop comprendre qu'il n'y aura plus de caresses joyeuses et de galopades en commun dans la lande. Il aboie pour réveiller son maître dont l'âme est déjà loin. Il lèche doucement le visage qui représente toute sa vie. Et il ne comprend pas. Il se dit que tous ces hommes qui crient et qui tirent avec leurs fusils et leurs gros canons doivent empêcher le maître de l'entendre. Il faut que ça cesse, il faut retrouver le silence qui leur permettait de s'amuser là-bas, dans les Highlands. Mustapha se dit que le maître a l'air d'avoir froid, qu'il faut le réchauffer. Justement, un bout d'affût brûle tout à côté... Mustapha, Dieu sait pourquoi, saisit le brandon dans sa gueule en prenant soin de ne pas se brûler les babines. Il a l'intention de l'apporter à son maître. Un tour peut-être que celui-ci lui a appris depuis longtemps : aller chercher un tison dans la cheminée pour qu'il puisse allumer sa pipe... Mustapha passe tout près d'un canon renversé. Les servants du canon gisent morts ou blessés autour du gros tube de bronze à demi-enfoncé dans la terre boueuse. Mustapha, sans s'en rendre compte, frôle la «lumière» du canon. La flamme du tison joue son rôle. Une énorme explosion secoue le canon anglais et projette le boulet dont il était chargé vers les rangs français. (à suivre...)