Sens de l?ironie «Nous accuser de trafic de diamants, ce serait comme accuser l?Arabie Saoudite de contrebande de pétrole.» Sous le costume du président perce le treillis du combattant. La France est bien la seule à avoir cru, au point de recevoir Charles Taylor à l?Elysée avec tous les honneurs, en septembre 1998, que ce chef de guerre se muerait en chef d?Etat. Cette première visite officielle en Occident ne sera pas suivie par beaucoup d?autres : dès 2000, après six mois d?enquête, un rapport des Nations unies «certifie à 100%» l?implication de Charles Taylor dans le trafic des «diamants de sang» en provenance de la Sierra Leone, le pays voisin qu?un de ses lieutenants, Fode Sankoh, a plongé, à son tour, dans la guerre civile. Quoique réduit aujourd?hui à «l?état d?un légume», selon la formule ?peu charitable? du procureur du tribunal spécial de Freetown, chargé de sanctionner les atrocités du passé récent, si toutefois Fode Sankoh est encore vivant. Les deux autres alliés sierra-léonais que Charles Taylor avait, en son temps, téléguidés, Johnny Paul Koroma et Sam «Mosquito» Bockarie, ont récemment été assassinés par des hommes de main du président libérien. Que ce dernier ait été inculpé, le 4 juin, de crimes de guerre et de crimes contre l?humanité en Sierra Leone n?est pas étranger à la disparition de ces complices-témoins gênants. Depuis mars 2001, le Liberia de Charles Taylor fait l?objet de mesures punitives de la part de la communauté internationale. Le régime des sanctions s?est durci, du boycottage aérien à l?embargo sur l?exportation des grumes en passant par l?interdiction d?acheter des gemmes libériennes. Longtemps, l?homme fort de Monrovia s?en est moqué. «Nous accuser de trafic de diamants, ce serait comme accuser l?Arabie Saoudite de contrebande de pétrole». Mais, pour finir, même à «l?Exécutive Mansion», les lumières se sont éteintes. Du haut de sa colline, la présidence libérienne domine désormais une capitale pandémonium. Le chômage y touche 85% de la population «active», le taux de scolarisation des enfants est tombé à 15%, les fonctionnaires ne sont pas payés depuis deux ans, les hommes en armes arrachent ce qu?ils convoitent, cependant que le plus grand nombre survit grâce à l?aide humanitaire. Pour empêcher la revente des rations, le Programme alimentaire mondial (PAM) a remplacé le riz, la nourriture de base fétiche des Libériens, par le bourgou, une plante dont on nourrissait, avant la guerre, le bétail.