C'est le sentiment au goût amer que partagent les familles algériennes saignées par les dépenses, estiment de nombreuses personnes interrogées. Les dépenses des ménages risqueraient, en effet, au vu de la cherté de la vie, de connaître des seuils jamais égalés jusque-là. «Les prix sont exorbitants mais la joie de nos enfants prime. Ceci dit, nous n'avons pas vraiment le choix. Nous devons acheter quel que soit le prix», annoncent avec fermeté un bon nombre de parents interrogés sur le sujet. Nombreux s'entendent pour dire aussi que la primauté est accordé à la fête de l'Aïd. Pour eux, la rentrée scolaire est reléguée au 2e rang. «C'est vrai que le ramadan tire à sa fin. Il nous a laissés les poches presque vides. Ce qui nous reste sera consacré d'abord à l'Aïd, ensuite nous réfléchirons comment faire pour la rentrée scolaire», nous a confié, attristé, un parent d'élève à la rue Hassiba. «Je n'arrive plus à fermer l'œil de la nuit. J'ai quatre gosses à prendre en charge seule. N'était l'aide de certains bienfaiteurs, je ne sais comment j'aurai fait pour m'en sortir !» «L'Aïd, ce n'est pas pour nous. C'est pour les gens qui ont de l'argent», murmure une femme d'une voix éteinte croisée aux environs d'Alger-centre. Bien entendu, elle n'est pas la seule à ressentir cette douleur. Elles sont des centaines de milliers de familles algériennes à être privées de la joie de l'Aïd, faute de moyens. Certains ont recours au crédit, d'autres se privent de beaucoup de choses et se contentent du peu pour célébrer cette occasion. Les familles démunies, elles, se rabattent sur les friperies qui poussent comme des champignons un peu partout dans nos quartiers même les plus huppés. D'autres, par contre, gardent l'espoir de recevoir la prime scolaire de 3 000 DA offerte chaque année par le ministère de la Solidarité ayant à charge cette frange de la population. Mais pour la recevoir, il faut malheureusement attendre quelques jours après la rentrée officielle. Pratiquement les mêmes témoignages reviennent à chaque fois. «Nous dépensons moins ces jours-ci pour le ftour. Il faut plus penser aux achats des vêtements, à la préparation des gâteaux et aux fournitures scolaires... Et aux cadeaux à offrir», nous a révélé Houria d'Alger. Sans exagérer, l'habillement d'un enfant revient pas moins de 6 000 dinars à des prix négociés. Le parent devra dépenser en moyenne 3 000 dinars pour les fournitures scolaires qui ont flambé ces jours-ci. Après le ftour, les rues grouillent de monde, des familles avec leurs progénitures, dans le but de trouver des vêtements à leur goût. Rencontrée au marché de la rue Meissonnier, Malika, mère de deux enfants, paraît désemparée : «Tout est cher. Une robe pour fillette frôle les 2500 DA et il faudrait encore penser aux autres accessoires.» «A moins de 3000 DA, c'est quasiment impossible de faire plaisir à son enfant», a lâché, en colère, Amina d'El-Biar. Dans un magasin de vêtements à Birkhadem, une dame a tenu à témoigner : «Je viens d'acheter une toute petite liquette pour ma fille de 15 ans à 1900 DA. C'est trop !»