Résumé de la 11e partie n Deux années s'écoulèrent ainsi sans que Florine se plaignît une seule fois de sa captivité. Et comment s'en serait-elle plainte ? Elle avait la satisfaction de parler toute la nuit à celui qu'elle aimait… Elle était avec l'Oiseau Bleu à la fenêtre, parée de ses pierreries, coiffée de ses beaux cheveux, avec un soin qui n'était pas naturel aux personnes affligées ; sa chambre et son lit étaient jonchés de fleurs, et quelques pastilles d'Espagne qu'elle venait de brûler répandaient une odeur excellente. La reine écouta à la porte ; elle crut entendre chanter un air à deux parties car Florine avait une voix presque céleste. En voici les paroles, qui lui parurent tendres : Que notre sort est déplorable, Et que nous souffrons de tourment Pour nous aimer trop constamment ! Mais c'est en vain qu'on nous accable ! Malgré nos cruels ennemis, Nos cœurs seront toujours unis. Quelques soupirs finirent leur petit concert. «Ah ! ma Truitonne, nous sommes trahies», s'écria la reine en ouvrant brusquement la porte et se jetant dans la chambre. Que devint Florine à cette vue ? Elle poussa promptement sa petite fenêtre pour donner le temps à l'Oiseau royal de s'envoler. Elle était bien plus occupée de sa conservation que de la sienne propre, mais il ne se sentit pas la force de s'éloigner : ses yeux perçants lui avaient découvert le péril auquel sa princesse était exposée. Il avait vu la reine et Truitonne. Quelle affliction de n'être pas en état de défendre sa maîtresse! Elles s'approchèrent d'elle comme des furies qui voulaient la dévorer. «On sait vos intrigues contre l'Etat, s'écria la reine, ne pensez pas que votre rang vous sauve des châtiments que vous méritez. — Et avec qui, madame ? répliqua la princesse. N'êtes-vous pas ma geôlière depuis deux ans ? Ai-je vu d'autres personnes que celles que vous m'avez envoyées ?» Pendant qu'elle parlait, la reine et sa fille l'examinaient avec une surprise sans pareille, son admirable beauté et son extraordinaire parure les éblouissaient. «Et d'où vous viennent, madame, dit la reine, ces pierreries qui brillent plus que le soleil ? Nous ferez-vous accroire qu'il y en a des mines dans cette tour ? — Je les y ai trouvées, répliqua Florine, c'est tout ce que j'en sais.» La reine la regardait attentivement pour pénétrer jusqu'au fond de son cœur ce qui s'y passait. «Nous ne sommes pas vos dupes, dit-elle, vous pensez nous en faire accroire mais, princesse, nous savons ce que vous faites du matin au soir : on vous a donné tous ces bijoux dans la seule vue de vous obliger à vendre le royaume de votre père. — Je serais fort en état de le livrer, répondit-elle avec un sourire dédaigneux : une princesse infortunée, qui languit dans les fers depuis si longtemps, peut beaucoup dans un complot de cette nature ! — Et pour qui donc, reprit la reine, êtes-vous coiffée comme une petite coquette, votre chambre pleine d'odeurs et votre personne si magnifique qu'au milieu de la cour vous seriez moins parée ? — J'ai assez de loisir, dit la princesse, il n'est pas extraordinaire que j'en donne quelques moments à m'habiller : j'en passe tant d'autres à pleurer mes malheurs que ceux-là ne sont pas à me reprocher. — Çà, çà... Voyons, dit la reine, si cette innocente personne n'a point quelque traité fait avec les ennemis.» (à suivre...)