Résumé de la 19e partie n Florine arrive au château et demande à voir le roi qui consent enfin à épouser Truitonne... Ciel ! Quelle nouvelle ! Truitonne, l'indigne Truitonne sur le point d'épouser le roi ! Florine pensa mourir ; elle n'eut plus de force pour parler ni pour marcher : elle se mit sous une porte, assise sur des pierres, bien cachée de ses cheveux et de son chapeau de paille. «Infortunée que je suis ! disait-elle, je viens ici pour augmenter le triomphe de ma rivale et me rendre témoin de sa satisfaction ! C'était donc à cause d'elle que l'Oiseau Bleu cessa de me venir voir ! C'était pour ce petit monstre qu'il me faisait la plus cruelle de toutes les infidélités, pendant qu'abîmée dans la douleur je m'inquiétais pour la conservation de sa vie ! Le traître avait changé, et se souvenant moins de moi que s'il ne m'avait jamais vue il me laissait le soin de m'affliger de sa trop longue absence, sans se soucier de la mienne.» Quand on a beaucoup de chagrin, il est rare d'avoir bon appétit ; la reine chercha où se loger et se coucha sans souper. Elle se leva avec le jour ; elle courut au temple... Elle n'y entra qu'après avoir essuyé mille rebuffades des gardes et des soldats. Elle vit le trône du roi et celui de Truitonne qu'on regardait déjà comme la reine. Quelle douleur pour une personne aussi tendre et aussi délicate que Florine ! Elle s'approcha du trône de sa rivale ; elle se tint debout, appuyée contre un pilier de marbre. Le roi vint le premier, plus beau et plus aimable qu'il eût été de sa vie. Truitonne parut ensuite, richement vêtue et si laide qu'elle en faisait peur. Elle regarda la reine en fronçant les sourcils. «Qui es-tu, lui dit-elle, pour oser t'approcher de mon excellente figure, et si près de mon trône d'or ? — Je me nomme Mie-Souillon, répondit-elle ; je viens de loin pour vous vendre des raretés.» Elle fouilla aussitôt dans son sac de toile ; elle en tira des bracelets d'émeraude que le roi Charmant lui avait donnés. «Ho ! ho ! dit Truitonne, voilà de jolies verrines . En veux-tu une pièce de cinq sous ? — Montrez-les, madame, aux connaisseurs, dit la reine, et puis nous ferons notre marché.» Truitonne, qui aimait le roi plus tendrement qu'une telle bête n'en était capable, étant ravie de trouver des occasions de lui parler, s'avança jusqu'à son trône et lui montra les bracelets, le priant de lui dire son sentiment. A la vue de ces bracelets, il se souvint de ceux qu'il avait donnés à Florine... Il pâlit, il soupira, et fut longtemps sans répondre. Enfin, craignant qu'on ne s'aperçût de l'état où ses différentes pensées le réduisaient, il se fit un effort et lui répliqua : «Ces bracelets valent, je crois, autant que mon royaume ; je pensais qu'il n'y en avait qu'une paire au monde, mais en voilà de semblables.» Truitonne revint à son trône, où elle avait moins bonne mine qu'une huître à l'écaille. Elle demanda à la reine combien, sans surfaire, elle voulait de ces bracelets. «Vous auriez trop de peine à me les payer, madame, dit-elle. Il vaut mieux vous proposer un autre marché : si vous me voulez procurer de coucher une nuit dans le cabinet des Echos qui est au palais du roi, je vous donnerai mes émeraudes. — Je le veux bien, Mie-Souillon», dit Truitonne en riant comme une folle...