Résumé de la 30e partie n Richard fourre dans sa poche le certificat fabriqué. Le soir, quand il vide les poches du veston, il constate que le papier a disparu. Dans la vaste salle d'attente, dont les hautes portes vitrées ouvraient sur l'aérodrome, Victoria, assise à côté de Mrs Clipp, savourait la douceur de vivre. Tout à l'heure, pour les inviter à prendre place dans le car qui devait les conduire à l'aéroport, un employé avait appelé «les voyageurs pour Le Caire, Bagdad et Téhéran». Des mots magiques qu'elle avait entendus avec un plaisir indicible. Sans doute, ils ne parlaient guère à l'imagination de Mrs Hamilton Clipp. La brave dame avait passé une part trop considérable de son existence dans les trains, les paquebots, les avions et les palaces pour être encore sensible au charme mystérieux de ces noms de ville qui évoquaient tous les prestiges de l'Orient. Mais il n'en allait pas de même pour Victoria. Elle n'était pas blasée, elle, et l'incessant bavardage de Mrs Clipp, laquelle avait la déplorable habitude de penser tout haut, ne l'empêchait pas de goûter à son prix chacune des minutes qu'elle vivait. Mrs Clipp passait en revue ceux et celles qui allaient être ses compagnons de voyage. — Ces deux petits garçons sont simplement adorables, mais ce doit être bien du souci que de prendre l'avion avec des enfants ! Ils doivent être Anglais. Le tailleur de la mère ne manque pas de chic mais elle me paraît bien fatiguée. Ce monsieur est habillé de façon bien voyante. Un Français, j'imagine, et probablement un homme qui est dans les affaires. L'autre, là-bas, est un Hollandais. Il était juste devant nous quand on a vérifié les passeports. Quant à ceux-là, ce sont ou des Turcs ou des Persans. J'ai l'impression qu'il n'y a pas d'Américains... mais nous sommes quand même ici depuis une demi-heure et je commence à me demander ce que nous attendons ! Mrs Clipp fut renseignée presque aussitôt. Escorté d'une nuée d'employés de la compagnie et suivi d'un porteur chargé de deux mallettes d'un luxe impressionnant, un homme de haute taille traversait la salle d'attente. — Un monsieur qui est quelqu'un, murmura Mrs Clipp. — Et qui le sait ! murmura Victoria. Le personnage ne tenait manifestement pas à passer inaperçu. Il portait un ample manteau de voyage gris sombre avec un capuchon. Il était coiffé d'un chapeau de feutre gris clair, dont les larges bords faisaient songer à ceux d'un sombrero. Ses cheveux, un peu trop longs, étaient d'un bel argent, de même que sa moustache, coquettement relevée aux extrémités. Il avait l'air d'un gentilhomme d'aventures, comme on en voit au théâtre, et Victoria le trouva fort antipathique. Autour de lui, le personnel s'empressait. — oui, sir Rupert. — Naturellement, sir Rupert. — L'avion part tout de suite, sir Rupert. Une porte s'ouvrit à deux battants pour lui livrer passage. — Sir Rupert ? dit Mrs Clipp à mi-voix. Je me demande qui il peut bien être. (à suivre...)