Résumé de la 41e partie n Victoria se rend sur la terrasse et reconnaît que la personne qui l'interpelle n'est autre que la dame qui bavardait avec Mrs Clipp dans l'après-midi… Elle allait rentrer dans l'hôtel, mais il ne semblait pas être dans les intentions de la dame de lui permettre de s'esquiver. — Je ne me suis pas présentée. Je suis Mrs Cardew Trench. Impossible de se méprendre sur le ton. Il indiquait clairement que la famille Cardew Trench occupait dans le monde une place indiscutée et de choix. — J'imagine, poursuivit Mrs Cardew Trench, que vous êtes arrivée avec cette dame américaine, Mrs Hamilton Clipp, je crois ? — C'est cela même. — Elle m'a dit que vous étiez la nièce de l'évêque de Liangow ? — Ah ! oui ? Victoria s'était ressaisie et avait donné à sa réponse l'intonation amusée qui convenait. — Une erreur, sans doute ? reprit Mrs Cardew Trench. Victoria sourit. — Les Américains sont assez excusables de se perdre parfois dans nos noms propres. Languao ressemble à Liangow. Mon oncle est évêque de Languao. — Languao ? C'est une petite île du Pacifique, il est évêque colonial, naturellement. — Ah ! il est évêque colonial ! Mrs Cardew Trench n'avait manifestement jamais entendu parler des évêques coloniaux. — Tout s'explique ! ajouta-t-elle. Victoria n'était pas mécontente de son improvisation. — Et que faites-vous à Bagdad ? reprit Mrs Cardew Trench, dissimulant sa curiosité naturelle sous une gentillesse affectée. Victoria pouvait difficilement répondre qu'elle n'était venue à Bagdad que pour retrouver un jeune homme avec qui elle avait échangé quelques paroles sur un banc, dans un jardin public de Londres. Heureusement, elle ne manquait pas de mémoire. — Je viens rejoindre mon oncle, le docteur Pauncefoot Jones. — Ah ! très bien ! Ravi de pouvoir enfin «situer» Victoria, Mrs Cardew Trench poursuivit : — C'est un homme délicieux, encore qu'un peu distrait. Ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant. Je l'ai entendu à Londres, l'an dernier : une très belle conférence à laquelle je n'ai du reste rien compris... Il est effectivement passé par Bagdad, il y a une quinzaine de jours, et je crois bien me rappeler qu'il a parlé de jeunes femmes qui devaient le rejoindre dans quelque temps... Son statut établi, Victoria revint à ce qui la préoccupait : — Savez-vous, demanda-t-elle, si le docteur Rathbone est ici ? — Il vient tout juste de sortir, répondit Mrs Cardew Trench. Je crois qu'on l'a prié de faire une conférence à l'institut, jeudi prochain, sur «la fraternité dans les relations internationales», si je ne m'abuse... Pures fariboles, si vous voulez mon avis... Plus vous essayez de rapprocher les peuples, et plus ils deviennent méfiants !.. Je ne vois d'ailleurs pas quel intérêt il a à traduire Shakespeare et Wordsworth en arabe, en chinois ou en hindoustani... (à suivre...)