Prisme n Selon la légende, ce slogan proviendrait d'un tirailleur sénégalais blessé au front et embauché dans l'usine de Courbevoie. Goûtant le produit Banania, il aurait déclaré en «moi y'a dit» : «Y'a bon !». Même s'ils s'en défendent en arguant de la sempiternelle liberté de création et liberté d'expression, les Européens ont toujours posé un œil paternaliste sur notre mode de vie et sur les continents des autres. Et même de juger notre culture rétrograde, dépassée, archaïque, voire déconnectée. Des réalités du monde. Nous le constatons et nous le voyons tous les jours au niveau de leur production cinematographique. Commençons par Pépé le moko, qui veut dire «pépé le manchot». Ce film a été tourné en 1937 à La Casbah, avec Jean-Gabin dans le rôle principal et comme cameraman un certain Tahar de Jijel, qui donnera son nom et son accent à L'Inspecteur Tahar, magnifiquement interprété par Hadj Brahim, quarante ans plus tard. N'était ce quartier historique d'Alger choisi essentiellement pour ses côtes couleurs locales et images d'Epinal, on se serait cru à Menilmontant à Paris ou aux Batignoles. Outre quelques mokheres voilées de la tête aux pieds, les Arabes, toujours hirsutes et dépenaillés et presque des gueux, sont à peine aperçus à l'écran. Même chose pour Fernandel, qui tournera à Sidi Bel Abbes dans les années 1950 dans Un de la Légion. Les Arabes et les mokheres sont des silhouettes pour meubler quelques raccords en panne de transition. Tout le film est dédié à la gloire de la Légion étrangère et à son désert, comme si Sidi Bel Abbes était une oasis peuplée uniquement de Blancs dans une mer de mendiants. Dans Ali Baba et les 40 voleurs, film tourné avec le même acteur, quelques années plus tard, le Moyen-Orient des Mille et Une nuits est réduit à sa plus schématique expression : un désert ocre et inviolable calciné par le soleil, des habitants frustres et sauvages et, enfin, quelques palais ombragés où les orgies commencent toujours par une danse du ventre... D'où le choix de la production de faire appel à l'une des plus talentueuses artistes dans ce domaine : Samia Gamal. Dans la deuxième version de l'histoire, tournée il y a dix ans à peine, le personnage de Kassim, le frère de Ali Baba, ne convainc pas du tout. On a la nette impression que Jean Benguigui joue son propre rôle, celui du juif. D'une manière générale, sauf pour ce qui est des films engagés, la plupart sinon la majorité des productions réalisées et qui ont pour thème central l'Afrique, le Maghreb ou le Moyen-Orient, sont perverses dans la mesure où elles diffusent une image dégradante. Pour ne pas dire péjorative de ces peuples. La polygamie qui est licite dans l'Islam sous certaines conditions et qui est pratiquée par des millions d'individus, est décriée comme une insulte aux femmes. Les ânes et les mulets par exemple restent les montures préférées des indigènes alors que les pur-sang fougueux ont pour maîtres de brillants officiers blancs venus pacifier et semer la civilisation dans ces contrées lointaines et sauvages. L'Arabe dans ces films, soit il porte le chèche, parle français et est dangereux, soit il porte une chéchia et est obséquieux. Quant au Noir, il a toujours hérité dans ces films du rôle ingrat du bon serviteur dans le plus pur style «y a bon Banania, Missié». Les tribus indiennes oubliées Convaincus que leurs tribus n'avaient plus lieu d'exister en tant que tribus, les descendants des peuples apaches, les Cherokee, les Mohicans et les Sioux, confinés aujourd'hui dans d'interminables réserves, ont commis une erreur fatale en voulant à tout prix imiter les «visages pâles». Ils se sont mis à fumer, à boire du whisky et à copuler comme les Blancs de New York ou de Las Vegas, qu'ils voyaient à la télévision. Ils ont renié les principes cardinaux de leur culture et ont oublié le culte des anciens : l'amour de la nature, de la chasse, de la pêche et de tout ce qui a fait la grandeur de leur nation. Aujourd'hui, ils ne sont plus que des épaves, ballottés entre un monde qui ne leur appartient pas.