InfoSoir : Quel est le champ d'intervention de la DAS dans la protection de l'enfant adoptif ? Mme N. Adjali : La DAS est appelée à sensibiliser et à informer les parents qui postulent à une adoption. Il s'agit de les informer sur les problèmes d'hérédité, de les sensibiliser quant à la préparation de l'enfant «makfoul» mais aussi de savoir au préalable s'ils sont pour ou contre la concordance des noms. Tout cela est mentionné sur le questionnaire à remplir par le couple. La filiation parentale est interdite par la religion, il n'y a pas à discuter là-dessus. Le problème de l'hérédité ne concerne pas toutes les familles. Il y a des cas où si la femme qui ne donne pas naissance à un garçon est menacée par ce problème. Pour prévenir, la DAS informe de tous ces détails la famille «kafila» , en lui demandant de préparer son enfant. Les parents viennent nous voir pour savoir quand et comment dévoiler ce ‘'secret'' à l'enfant qu'ils ont adopté. Ce sont des enfants du cœur et non du ventre. L'enfant doit être donc informé de sa situation de «makfoul» pour épargner tout choc traumatique lors de la scolarité. Des parents ont préparé leurs enfants à 3 ans ou 3 ans et demi, et de la sorte ils ont pu dépasser leurs angoisses. Quelles sont les conditions d'adoption imposées aux familles d'accueil ? Les conditions de l'accueil légal sont réglementées par la kafala. Nous nous référons au code de la famille, article 116 125, qui stipule que la famille kafila doit être musulmane, lucide, pouvant recueillir l'enfant en le considérant comme son propre enfant biologique. Lui assurer une bonne éducation et une bonne scolarité. Pour un couple qui postule pour l'accueil par le biais de la DAS, nous n'exigeons pas de dossier. Nous ne gérons pas de dossier mais une vie, un enfant. Nous préférons avoir affaire à un couple. Nous procédons à un entretien avec les deux futurs parents adoptifs. Une fois que le couple est décidé et que leur projet est mûrement réfléchi, nous lui demandons de remplir un imprimé (demande de motivation). Voilà comment se fait le placement en kafala. Nous souhaiterions que les couples fassent le deuil de leur état de stérilité, mais souvent ils sont motivés par le fait qu'ils veulent faire du bien, sauver un orphelin… et surtout ont ce désir ardent d'être parents... C'est cette dernière option que la DAS encourage. L'idée d'être rejetés par les familles d'accueil hante les enfants adoptifs... Comment les rassurer sur ce point ? Nos portes sont ouvertes, nous essayons de faire des enquêtes sociales. D'abord, nous sélectionnons des couples qui répondent aux critères de la kafala. Les couples stériles qui ont un toit, qui sont à l'aise et ceux qui ont mis du temps à faire le premier pas pour la kafala. Nous privilégions des couples qui sont encouragés par la grande famille dans leur démarche d'adopter. Pour ce qui est de la peur, le risque existe aussi bien pour nos propres enfants. Cela ne veut pas dire que les ruelles d'Alger sont pleines d'enfants adoptifs. C'est dommage de stigmatiser l'enfant «makfoul» dans la mesure où une fois qu'on le confie à un couple adoptif, cela veut dire que cet enfant jouit pleinement de tous ses droits. Le risque de précarité guette tout le monde. Si je meurs, la future épouse de mon mari pourrait mettre mon propre fils dehors. Vous voyez donc où je veux en venir. Une fois les parents décédés, nous ne pouvons pas travailler en dehors de la législation qui puise ses lois de la charia. Nous privilégions des familles stables qui ont un métier permanent et nous leur expliquons que ces enfants n'ont pas droit à l'héritage, sauf dans le cas où elles leur céderaient un bien. Vu la demande, la DAS d'Alger privilégie actuellement les couples sans enfants et ceux qui sont à l'aise financièrement. * Chef de service à la direction de l'action sociale de la wilaya d'Alger. Et les enfants handicapés La DAS rencontre beaucoup de difficultés à placer en kafala les enfants handicapés lourds, d'autant que les personnes qui recourent à la kafala demandent un enfant en bonne santé. Et la DAS respecte leur choix. Les pouponnières ont du mal avec ces enfants qui y séjournent longtemps, vu leur handicap souvent lourd. Ceux qui ont de légères malformations sont tout de même placés en kafala. Selon les statistiques arrêtés en 2010, on recense 34 enfants handicapés à la pouponnière d'El-Biar, 9 à la pouponnière d'Aïn Taya, 5 à celle de Palm Beach.