Question Qu?y a-t-il de si particulier, de si mystérieux à Alger pour que les candidats à l?élection présidentielle daignent en faire un tremplin et une ultime étape de leurs longues pérégrinations ? Est-ce le fait d?être une capitale dans laquelle tout se décide, tout se concentre et, par extension, apte à devenir une citadelle convoitée ? Ou alors constitue-t-elle un baromètre au vu de sa composante cosmopolite où chacun peut mesurer sa force face aux incantations les plus mielleuses et des broncas les plus virulentes ? Ou enfin parce que celui qui triomphera dans la rude bataille d?Alger sera quasiment assuré d?entrer au panthéon ? Hier ce fut Saïd Sadi, aujourd?hui c?est le tour de Bouteflika et de Benflis. L?histoire nous dira qu?Alger est une planète qui a vécu tant de bouillonnements, tant de misères : de la Bataille d?Alger acte I entre les paras de Massu et les frères de Ali La Pointe, au «chahut de gamins» d?octobre 1988, en passant pas les événements du 11- Décembre, et les fameux : «7 ans barakat» dans le fratricide FLN. Les candidats ont donc parfaitement choisi leur dernière cible, s?efforçant de faire de la capitale, dont l?histoire retient qu?elle a toujours traîné les pieds durant les joutes, une rampe de lancement vers les cimes. Et c?est sans doute parce qu?Alger avec ses mille et une vicissitudes est difficile à dompter, à prendre à bras-le-corps que les trois candidats avaient décidé de ménager leurs derniers efforts pour un bras de fer à trois dans une ville qui a connu tant de soubresauts, tant de heurts et malheurs, arrivant à apprivoiser cahin-caha toutes sortes d?avatars. Car de toute évidence, un Bab El-Oued aux stigmates de la douleur toujours apparente, mais assez robuste pour se prendre lui-même en charge, demeure trop exigeant pour qu?un discours creux, sans teneur ni saveur soit suffisamment apte à le berner ou à le dorloter dans le berceau des rêves platoniques de la politique. Dans ce Bab El-Oued fier et orgueilleux, on ne cesse de marteler à ceux qui ne le croient toujours pas qu?il n?y a pas de place pour un autre derby que le pétillant MCA-USMA au «label» inimitable. A Bab El-Oued, on ne cesse de crier sur tous les toits que les eaux boueuses sont allées se déverser définitivement dans la mer, que les jeunes sont suffisamment bardés de courage et d?émulation pour se passer des fiches de paie, en allant tuer le temps à Padovani, que les femmes ont enfin séché leurs larmes après avoir longuement pleuré leurs «chouhada», d?octobre 1988 et de novembre 2001 et que les adolescents vont danser dans un mégaconcert sans se soucier de sa couleur politique. Alger, ce sont aussi ces mille quartiers hermétiquement fermés aux quatre vents du populisme. Que ce soit à El-Harrach, à Belouizdad, à Kouba, à Hussein Dey, on ne croque pas la politique à pleines dents, de peur d?une indigestion, car la priorité est ailleurs. Bannir la promiscuité, la hogra, le chômage, les agressions, rétablir la «horma» et la dignité, c?est cela la recette qui n?a rien de magique pour des candidats qui n?omettent jamais de mentionner que les caisses de l?Etat sont suffisamment pleines pour exaucer tous les v?ux. C?est sans doute pour cette raison que seuls des programmes fiables, aux contours clairs, des promesses d?homme et non d?éternels mensonges, arriveront à rendre à Alger, la convoitée, sa blancheur d?antan comme un linge bien lavé sur lequel n?apparaîtrait aucune tache noire.