Amara Ben Mohammed Oudjouadi n'a pas encore dix-huit ans quand, le 19 mai 1893, il tue un notable du village d'Iguir-Guedemimen : il se serait disputé avec lui et, le jeune homme étant armé d'un fusil, le coup est parti. Accident ? En fait Amara devait déclarer, lors de son procès, que l'homme était un usurier «qui prêtait de l'argent à gros intérêt». Faut-il comprendre qu'il avait contracté un prêt auprès de cet homme et que celui-ci voulait se faire régler ? A moins qu'Amara ait hypothéqué un bien et que l'usurier ait cherché à s'en emparer. Il y a aussi l'hypothèse que le jeune homme, mû par des sentiments nobles, ait voulu débarrasser la société d'un homme qui exploitait la misère de son prochain. La population a dû applaudir ce meurtre, voire l'a encouragé, l'usure étant une pratique condamnée par la religion et la morale sociale. Quoi qu'il en soit, Amara, en tuant le notable, s'expose à des poursuites judiciaires, à une lourde condamnation, peut-être même à une condamnation à mort. «Tu dois partir !», lui disent ses proches. «Partir» signifie prendre le maquis, devenir un imenfi, c'est à dire un proscrit qui doit fuir les autorités mais aussi la famille de sa victime qui pourrait chercher, au nom de la loi du talion, à se venger de lui.