Scène - Cannibale est l'intitulé de la pièce présentée, hier, à la salle El Mougar. Il s'agit d'un monologue – un monodrame – qui traduit la situation conflictuelle dans laquelle l'individu est sujet, et à travers laquelle c'est toute la société qui est mise à nu. Produite par le Théâtre national, cette pièce, adaptée du texte Mamdouh Oudouan et mise en scène par le Marocain Hicham Chakib, est jouée par Sofian Attiya. Elle met en scène un personnage schizophrène, ayant subi les pressions de son entourage immédiat. Il nous est présenté comme étant en proie à sa tragédie existentielle, à sa vérité. Et à travers le regard dirigé du dedans vers le dehors, c'est toute la société, la nôtre, qui est présentée et décrite avec autant de naturel que de régularité. Il est question d'une vision vraie de l'homme. Une vision rêche de ce que l'individu est en réalité. Une vision qui arrache ce dernier aux apparences et aux subterfuges émaillés par le mensonge, la trahison ou l'hypocrisie, et derrière lesquels il se cache sournoisement, avec des arrière-pensées, des intentions de nuire à autrui. C'est la mise à nu de l'homme. La pièce ne développe pas seulement une vision dépréciative de l'homme, elle raconte aussi l'autre partie qui le constitue, le détermine, à savoir le bien. Entre le mal et le bien, c'est l'incessant, l'éternel combat qui tiraille l'homme. Son être est un trouble, un tumulte, un fatras d'idées confuses, complexes et contradictoires. L'individu, qui vit un désordre intérieur, est continuellement sujet à une situation conflictuelle. Manifestement indécis, oscillant entre des clameurs assourdissantes, disparates, opaques, ambiguës, fluctuantes et entre une conscience salvatrice, résolue, il ne sait pas s'il doit se résoudre à la fatalité, céder aux tentations, s'abandonner à son instinct ou bien réagir contre l'injustice, l'inégalité ou l'exclusion. Se dresser contre l'arbitraire et la déraison. Il est visiblement tiraillé entre la vérité et le doute, la raison et la folie. Dans ce chaos existentiel, un cataclysme retentissant, dévastateur, l'homme ne sait plus s'il est dans le rêve ou dans la réalité. S'il est un être ou simplement une entité immatérielle, dépourvue de spatialité et de temporalité. Est-il une impression ? Tout se mélange dans sa tête, la fin se confond avec le début : il n'y a ni fin ni début. Son être se désagrège. Son existence devient l'ombre d'une impression. Existe-t-il vraiment ? S'agit-il d'un jeu ? Le monodrame est joué en langue arabe littéraire, avec quelques incursions çà et là, en arabe dialectal. Cela lui confère des tonalités locales dans un jeu concentré et profond que le comédien a su faire valoir, et ce, à travers l'interprétation avérée et substantielle de son personnage, interprétation qui se veut autant franche que convaincante. Le jeu était également soutenu, marqué par une certaine recherche dans le style et l'expression. Le langage se révélait démonstratif, à forte charge significative. Cela rendait l'interprétation, à travers laquelle le comédien s'est montré par l'entremise de son personnage, égale au contenu du monodrame, donc à la portée dramaturgique dont la mise en scène, menée d'un bout à l'autre du jeu avec soin et un réalisme certain, tentait de rendre compte, voire de faire ressortir et ressentir. Toute la charge émotionnelle que contient le monodrame, est effectivement partagée avec le public. C'est pour dire que le comédien a su traduire, voire matérialiser, toute la dramaturgie en gestes tout comme en intonations.