De Béjaïa Représentation - La troupe théâtrale de Guinée a présenté, hier, sur les planches du Théâtre régional de Béjaïa, L' Anniversaire. La pièce, écrite par Harold Pinter, prix Nobel de littérature en 1959, est adaptée et mise en scène par Ibrahima Sory Tounkara. C'est l'histoire d'un jeune homme, Stan, qui, hébergé dans une pension de famille, vit en reclus, dans une sorte de clandestinité. Le dehors ne semble pas l'intéresser vraiment, comme s'il se cachait de l'environnement extérieur. L'on ignore tout sur lui, sur son passé. Tout ce que l'on sait, c'est qu'il est un bon instrumentiste. Un jour, deux hommes, des inconnus, comme venus de nulle part, débarquent dans la pension de famille, avec un objectif précis : il semble qu'ils sont à la recherche de Stan, et celui-ci, ayant eu connaissance de leur visite, se sent troublé, nourrissant quelques appréhensions à leur égard. Il a l'intention de les fuir. Les deux inconnus, qui semblent connaître Stan et que Stan s'avère connaître, arrivent à la pension de famille le jour de l'anniversaire de ce dernier, d'où le titre de la pièce. La pièce met en scène un univers où règne une ambiance d'abord pesante, puis peu à peu devenant oppressante, voire menaçante. Dans un premier temps, l'univers scénique se veut quelconque : les protagonistes – au nombre de six, tous différents les uns des autres, ayant chacun sa personnalité, son caractère et ses aspirations ou sa vision de la réalité, semblent décalés les uns des autres, décalés parfois du vécu lui-même, vivant chacun dans une sorte de bulle, d'imaginaire alimenté par les désirs et les croyances de chacun – apparaissent communs, apparemment banals, qui vivent tant bien que mal dans une sorte de cocon grisâtre, faux refuge contre le monde extérieur ; puis ce même univers se transforme avec l'irruption des deux inconnus, apparemment dangereux, dans une réalité troublante, inquiétante. Puis Stan, la victime, semble terrorisé, persécuté et, paradoxalement, acceptant ce que les deux étrangers lui font subir. La pièce ne contient pas une seule lecture. Elle fournit plusieurs interprétations, dont celle d'un homme qui, pétri de ses propres idéaux, nourri par une vision personnelle du monde, renonce aux enseignements qui lui ont été inculqués, enseignements auxquels il devait répondre, s'adapter et appliquer. Il renonce à cette logique et décide de suivre son propre raisonnement, sa propre voie, son inspiration et ce dont il est nourri tout au fond de lui. Il se trouve que son passé le rattrape, s'empare de lui à nouveau avec l'irruption inattendue de ces deux inconnus qui lui reprochent d'avoir quitté l'organisation ; et c'est alors, à ce moment-là, qu'ils opèrent sur lui un lavage de cerveau. Cela se traduit par une cérémonie de rituels où ils font appel aux forces occultes. La pièce, jouée avec aisance – même si quelques passages traînent en longueur – et notamment avec beaucoup d'humour, mais parfois un humour sombre, est adaptée au contexte local, elle prend une couleur très africaine, qui, d'ailleurs, explicite la pièce et lui confère sa nouvelle teneur dramaturgique. En effet, le metteur en scène a intégré au jeu les gestes et les rituels africains. Il a réemployé le patrimoine culturel immatériel. La pièce revêt ainsi une authenticité typiquement africaine.