On se serait attendu à ce que le sacrifice d'Abraham soit accessible à un plus grand nombre d'Algériens cette année et surtout à un coût moins onéreux que les années précédentes, vu que le cheptel disponible est plus important pour plusieurs raisons. Mais il n'en est rien, les prix sont toujours aussi élevés et ce seront encore une fois les mêmes qui vont devoir s'endetter, et les mêmes qui vont s'enrichir par des moyens, pour le moins douteux. Les prévisions optimistes de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (Ugcaa) sont démenties par la réalité du terrain. Sur le marché national, la loi de l'offre et de la demande n'est pas respectée et ce sont plutôt les vendeurs et autres spéculateurs qui dictent la leur. Le recul de la contrebande aux frontières, a permis d'avoir, cette année, un surplus de moutons, d'où, logiquement, une plus grande accessibilité en matière de quantité et de prix, a déclaré, récemment, Salah Souilah, président de l'Ugcaa dans les colonnes d'InfoSoir. Les services agricoles ont recensé cette année un surplus de moutons qui a atteint les 26 millions de têtes, soit une hausse considérable par rapport à l'année écoulée, ce qui devait amener à une baisse des prix. «Je m'attendais vraiment à ce que le mouton soit à la portée des petites bourses cette année. Mais c'est plutôt le contraire qui s'est produit. J'ai fait plus de quatre points de vente et les prix sont pratiquement les mêmes : un mouton moyen coûte entre 30 000 et 45 000 DA. C'est inacceptable !», déplore Omar, fonctionnaire dans une administration publique, rencontré à Bou Ismaïl. De part et d'autre de la route, des moutons sont exposés à la vente. En cette journée fériée du 1er novembre, les pères de famille se sont levés tôt pour se rendre dans les points de vente dans l'espoir de trouver un mouton qu'ils seraient en mesure d'acquérir. Sur place, les prix leur donnent le tournis. Certains ont préféré rentrer bien vite. «On dirait que les vendeurs se sont entendus sur les prix. Entre Bachdjarrah, Chéraga et ici à Bou Ismaïl, aucune différence n'est constatée. Mieux vaut aller manger du poisson à Bouharoun», s'insurgent trois amis rencontrés sur place. Nos interlocuteurs ont décidé d'attendre la veille de l'Aïd espérant que les prix connaîtront une baisse. Cette année, les maquignons sont rares et ce sont plutôt les revendeurs qui ont pris le relais. Ils se sont déplacés dans les régions réputées pour leur élevage telles que M'sila, Laghouat, Djelfa, El-Bayadh, pour acheter un grand nombre de moutons quelques semaines avant l'Aïd et qu'ils exposent ces jours-ci à la vente. Accomplir le rituel d'Abraham est devenu un vrai sacrifice pour les simples citoyens qui se trouvent désorientés devant les prix vertigineux des moutons. Les assurances émises par les responsables quant à une éventuelle baisse des prix cette année, sont assimilées à de simples paroles sans effet. «Chaque année à l'approche de l'Aïd, on entend des déclarations relatives à la baisse des prix, mais sur le terrain c'est tout le contraire car il n'y a simplement aucun contrôle du marché de bétail. Les vendeurs imposent leur diktat et rien ne semble les inquiéter», se désolent nos interlocuteurs. Mais, les vendeurs ont aussi leurs raisons. «Les citoyens ignorent le coût réel d'un mouton. Je me suis déplacé jusqu'à Hassi Bahbah, à Djelfa, pour acheter une vingtaine de moutons. Les frais du transport et de l'orge, de la location du garage… Si je les vends à des prix qui arrangent la plupart des citoyens, je perdrai beaucoup», explique un revendeur qui expose des moutons dans un garage à Zeghara.