Il n'est jamais trop tard pour bien faire : l'Agence nationale du médicament mettra ainsi plus de 3 ans pour voir enfin le jour — un retard inexplicable et injustifiable — et mettre ainsi de l'ordre dans le secteur du médicament. Un secteur marqué par les pénuries organisées et par le diktat de certains opérateurs. Le Dr Mohamed Bekkat-Berkani a indiqué que l'Ordre des médecins a toujours demandé l'application du texte de loi qui a été voté en 2008 pour réguler le médicament et son importation. «Cette agence doit être indépendante de l'administration centrale. Elle sera donc responsabilisée et aura comme but de réguler le médicament», a souligné le Dr Bekkat. «Si on est arrivé à cette situation, à savoir la pénurie de médicament, c'est parce qu'on a mis trois ans pour installer cette agence. Il faudrait qu'elle soit mise en place le plus tôt possible, et qu'elle puisse prendre des décisions. Cette agence doit être tout à fait indépendante, car le résultat est très important», a-t-il ajouté. Le Dr Bekkat, qui intervenait ce matin sur les ondes de la chaîne III de la radio, a expliqué que la gestion administrative du médicament par le passé «nous a amenés à cette impasse, à savoir risque de pénurie, et difficultés d'approvisionnement». «Il faut que cette agence puisse déterminer les médicaments essentiels, et commander en temps utile, mais aussi décider du prix et du rapport qualité-prix, et puisse avoir, sous la supervision de l'Etat, toutes les possibilités de manœuvre», a insisté l'invité de la radio nationale. A la question de savoir quel serait le rôle de la Pharmacie centrale des hôpitaux après la création de cette agence, le président de l'Ordre des médecins a expliqué que la PCH a vocation d'être «un organisme de stockage, de distribution et de mise à disponibilité du médicament». «Il faut faire jouer à la Pharmacie centrale le rôle de véritable stock à disposition du secteur public et privé», a-t-il précisé. Revenant sur la dernière pénurie des médicaments, et toute la polémique qu'elle a suscitée, le Dr Bekkat estime que «les lobbys qui sont exercés par les firmes internationales ou certains opérateurs sont de bonne guerre. C'est une guerre commerciale». «Les lobbys s'exercent et s'exerceront de façon globale ou individuelle. On a parlé souvent de la pression qui est exercée sur les décideurs qui sont au niveau des hôpitaux, du personnel technique qui sont les médecins. C'est clair, il faut casser ce cercle vicieux. Avec l'agence nationale du médicament, nous pourrions, à travers des commissions multiples, recruter un certain nombre d'experts algériens, pour éviter ces moyens de pression, qui mettent à mal une politique du médicament, quand bien même en aurions-nous les ressources», a-t-il expliqué. «Il faut tenter de mettre un peu d'ordre, pour essayer de mettre de l'éthique dans la distribution du médicament. S'il y a des personnes ou des groupements de personnes, qui tentent de porter atteinte à l'économie de médicament, je pense que les autorités devraient prendre des dispositions dans ce sens. Sur le plan de la production, on doit dire qu'il faudrait privilégier la production nationale et la coopération avec de grands groupes pharmaceutiques», a-t-il ajouté. Cancéreux : «Arrêter de faire des vœux pieux» «Alors qu'on guérit aujourd'hui le cancer du sein en intervenant très tôt, il y a cette polémique de rendez-vous de radiothérapie qui dure pendant des mois et qui n'a pas raison d'être. Il faut s'organiser, réorganiser, acheter des appareils, et ne pas faire des vœux pieux, car avec des vœux pieux, ça ne marche pas en matière de santé», a-t-il lancé. «La santé a un coût mais pas de prix», a-t-il dit. 6 000 médecins algériens en France Interrogé sur le nombre de médecins algériens qui exercent à l'étranger, notamment en France, le président de l'Ordre de médecins a indiqué qu'ils sont plus de 6 000 médecins de toutes catégories à exercer en Hexagone, selon l'Ordre des médecins français. «C'est une véritable hémorragie. Il faut les ramener, ce sont de vraies compétences, ils ont brillé dans les hôpitaux français», a-t-il dit. «Plus confiance dans les hôpitaux publics» «Les citoyens n'ont plus confiance dans les structures de proximité. Ils n'ont plus confiance dans le secteur public dans son ensemble » a indiqué le Dr Bekkat. «Nos collègues qui sont mutés, dans le cadre du service civil, passent leur temps à faire de belles lettres et envoient leurs malades vers le Nord. Nous avons des difficultés à fixer des malades dans leurs régions, pour leur trouver une solution diagnostique et thérapeutique dans leur région. Les malades et leurs familles n'ont plus confiance dans nos structures de santé. «Si l'état contrôlait de façon efficace, combien fermerait-il d'hôpitaux publics qui ne sont pas en conformité ?», s'est-il interrogé.