On a tellement envie de contourner les lieux communs, ces autoroutes du verbe où l'on dépoussière chaque 8 Mars que Dieu fait - jamais avant, jamais après - ces expressions sous emballage et déjà prêtes à l'emploi. Prendre les chemins de traverse, sortir des chantiers battus pour justement parler avec des mots simples de ces nombreuses anonymes, qui, dès l'aube, partent à l'assaut de la pitance. Parce que l'homme est mort, parti ou impotent ou parfois outrageusement exploiteur pour ne pas utiliser un terme que la morale nous interdit de transcrire ici. Elle existe, cette race de machos fiers d'envoyer leurs épouses, leurs filles et parfois même leurs mères au charbon tandis qu'eux tirent une fierté à vivre au crochet de ces femmes courage qu'on évoque une fois l'an. Il faudra penser aussi à ces femmes entourées de marmots, à même le trottoir, à tendre la main dans un nouveau métier, l'industrie de la mendicité. Bien sûr, beaucoup de responsables n'omettront pas dans leurs discours de souligner que la femme est l'égale de l'homme, qu'elle a les mêmes droits et ils pousseront le cynisme jusqu'à donner les exemples de quelques femmes pilotes, chauffeurs de taxis et même mécaniciennes, porteront un toast à «nos sœurs», comme ils disent, offriront quelques belles roses et le tour est joué. A l'année prochaine, avec les mêmes mots, les mêmes exemples et peut-être à l'occasion, on saupoudrera d'un peu d'histoire ces interventions dithyrambiques pour dire que par le passé et dans les maquis, la femme a joué son rôle dans la Guerre de libération. Il faudra donc s'attendre à de grandes messes en l'honneur de la femme. Tout le monde s'y met, les entreprises publiques, privées et même les partis politiques, car l'occasion est trop belle pour ratisser large auprès de la gent féminine de plus en plus encline à choisir elle aussi en toute liberté les candidats qui lui conviennent. Il y aura aussi ces sempiternelles après-midi récréatives animées par des orchestres de quartiers qui s'égosilleront tandis que la salle au féminin pluriel le dansera tout son saoul jusqu'à ce que le chanteur s'épuise et que le crépuscule pointe, quand sonnera l'heure de la vaisselle laissée dans l'évier et le repas qu'il faudra improviser. Et à Dieu va ! Ce n'est malheureusement pas tous les jours le 8 mars. Quelques médiocres plaisantins pousseront l'humour de quatre sous jusqu'à chercher à décréter une journée de l'homme et mettront de leur côté des rieurs sans culture. Pourtant elles sont belles nos femmes, nos filles, nos sœurs quand elles renoncent à ces tenues importées massivement qui trahissent nos us : des containers de hidjab déversent chaque jour ces voiles venus d'ailleurs qui remisent tristement ces haïks de nos mères… Pourtant, on a envie de leur dire simplement, humblement comme le chanteur : «Femmes, je vous aime». Avec ou sans hidjab. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir Beghtah.