Chaque année, on leur consacre une journée. Près des APC, des bus sont affrétés pour les emmener en excursion. Alors l'espace d'un jour, ils deviennent ce qu'ils auraient dû être toute l'année, des enfants heureux, épanouis et respirant la santé, loin de toutes ces cités où l'ennui mortel n'offre d'autre perspective que de botter un ballon sur un espace en voie d'accaparation par quelque promoteur. Nous avons depuis longtemps acquis cette habitude délétère de ne consacrer qu'une journée et une seule, aux franges les plus importantes de la population. Les handicapés, la femme et les enfants un peu pour soulager des consciences surchargées de culpabilité devant tant de démission. Il faudrait voir le monde, l'Algérie d'aujourd'hui avec un regard d'enfant violemment privé de loisirs les plus simples. Combien existe-t-il d'espaces récréatifs, de parcs de loisirs, de cinémas, de terrains de jeux tout simplement où les enfants peuvent se défouler ? Déjà otages d'un système éducationnel en total déphasage avec les exigences de la modernité, ils subissent cette dualité entre des enseignants de plus en plus enclins à leur apprendre le supplice du tombeau et la toilette des morts et des cybercafés qui leur ouvrent pour 60 dinars de l'heure les portes des écrans où l'on tire sur tout ce qui bouge. Les jeux interactifs sont en passe de devenir le seul loisir de l'enfance. Lors des grandes vacances scolaires, l'on se demande souvent comment va faire l'écrasante majorité pour les passer quand on sait que la plage n'est plus à la portée de tout le monde depuis qu'ont disparu ces colonies de vacances qui offraient des séjours balnéaires aux enfants des ouvriers. Il n'y a plus d'ouvriers et bientôt il n'y aura plus d'enfants, sauf ces gamins au regard d'adultes très tôt initiés à la vente des galettes et des herbes sur les grandes places des marchés et au bord des routes. «L'enfance est un paradis perdu», disait l'écrivain Ernest Hemingway. Evidemment, il parlait des adultes qui font le deuil de cette période d'innocence. Il n'imaginait pas un seul instant que l'on pouvait être enfant et perdre son propre paradis. Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.