Craintes - Devant la multiplication des jets de pierres contre les trains, les voyageurs se bousculent pour prendre des sièges loin des vitres. Même si à Corso, dans la wilaya de Boumerdès, les «tirs» sont moins dangereux, nous traversons le tronçon entre Bordj Ménaïel et Tadmaït, en Kabylie, la peur au ventre. Au niveau de la gare de Bordj Ménaïel, c'est un cheminot qui nous met en garde contre les actes de vandalisme que commettent quotidiennement les voleurs de câbles électriques, des bergers, des délinquants consommateurs de drogue et des ivrognes. Ce dernier parle aussi de ces grèves déclenchées à plusieurs reprises par les conducteurs de trains qui «revendiquent une meilleure sécurisation en paralysant les gares au niveau desquelles des agressions sont commises. Parfois, ce sont des grèves qui touchent l'ensemble du réseau de la Sntf. Malheureusement, la situation reste grave, les attaques se multiplient, les voyageurs sont inquiets devant le laxisme des services de sécurité», dit-il en nous mettant en garde. «Prenez soin de vous à travers l'ensemble du trajet jusqu'à Tadmaït», ajoute ce cheminot. Effectivement, à quelques kilomètres de la gare de Tadmaït, nous subissons un véritable bombardement de pierres. «Ces voyous ne dorment pas. Leur ennemi principal ces sont les trains», nous dit un quinquagénaire accompagné de son épouse. «Que Dieu punisse sévèrement ces énergumènes qui sèment la panique parmi les voyageurs que nous sommes. Ils veulent nous tuer», lance son épouse en regardant une vitre brisée. Un autre jeune voyageur qui nous montre une pierre dont le poids dépasse les cinq kilogrammes, nous dit : «Celui qui lance une pierre d'un tel poids et d'aussi loin, peut rendre beaucoup de services au pays en participant aux jeux olympiques. Une médaille d'or est d'avance assurée», lance-t-il avec un sourire en coin. Ce phénomène est également observé sur le circuit reliant la capitale à Oued Djer à l'ouest du pays. Si les usagers du rail désignent plusieurs endroits dangereux, le malheur nous l'avons noté à Gué-de-Constantine, El-Affroun et à l'entrée en gare à Oued Djer. Au niveau de la localité de Gué-de-Constantine, les citoyens du bidonville limitrophe à la voie ferrée «ne se privent jamais d'attendre de pied ferme le passage du train pour le cribler de pierres», nous met en garde un guichetier au niveau de la gare de l'Agha. C'est en partie notre intuition aussi. Le train venait à peine de franchir la frontière de cette localité, qu'une ribambelle de jeunes enfants se lance dans ce «jeu» dangereux en jetant une multitude de pierres contre le train. Les habitués de ce tronçon, avons-nous remarqué, se sont mis à l'abri bien à l'avance. Pour les «bleus» que nous étions, l'effet de surprise a joué en notre défaveur. La seule issue de secours consistait à se jeter à même le plancher pour éviter l'irréparable. Au niveau d'El-Affroun et à un degré moindre, à Blida et Oued Djer, les voyageurs ne doivent sûrement pas oublier la cascade de pierres dont ils ont été arrosés au niveau de ces trois points noirs. C'est d'ailleurs à Oued Djer que nous relevons à quel point ce voyageur silencieux durant tout le trajet et habitué du rail, avait une peur terrible. «Maintenant et à chaque fois que j'arrive à bon port après un voyage par train, je fais une prière pour louer Dieu de m'avoir épargné la vie», nous dit-il fièrement.